Randonnée et ascension du Mont Washington
Culminant à près de 2000 m, le sommet du Mont Washington réserve bien des surprises et donne du fil à retordre à ceux qui osent le gravir. Élu comme l’une des montagnes les plus dangereuses au monde, en raison des fortes rafales de vent et des fluctuations de températures, le troisième plus haut sommet des Appalaches est légendaire. Si bien qu’en avril 1934, l’observatoire du sommet a enregistré un vent de 372 km/h, ce qui reste un record mondial pour une station météorologique terrestre.
Les températures au sommet de la montagne peuvent descendre jusqu’à -44 degrés celui. Fort heureusement, c’est par une journée ensoleillée, accompagnée de températures plus que clémentes, que je me mets à l’assaut du Mont Washington en empruntant le Tuckerman Ravine Trail pour l’ascension, et le Lion Head Trail pour la descente. Cette boucle de 12 km et de 1300 m de dénivelé positif est le chemin le plus populaire pour atteindre le sommet.
Itinéraire jusqu’au sommet du Mount Washington
Topo de la randonnée
- Durée : 7 heures
- Pays : États-Unis
- Massif : Appalaches
- Département : New-Hampshire
- Difficulté : Difficile
- Distance : 12km
- Dénivelé positif : 1300m
- Informations supplémentaires : Neige possible, auberge ou refuge, Grande randonnée GR, Chiens autorisés, Panorama, Lac, Parking
Pinkham Notch Visitor Center - Crystal Cascades
Il est 6h30 du matin, après avoir tourné longuement dans le parking pour trouver une place et visiter le Visitor Center pour réserver ma place au refuge, je démarre avec excitation mon ascension. La fraicheur du matin est agréable, le premier kilomètre longeant la rivière est facile. Au bout de quelques minutes, je tombe sur les impressionnantes Crystal Cascades, des chutes de 27 m de hauteur, un petit arrêt pour prendre quelques photos, et je continue ma route.
Note : Pensez à arriver tôt pour trouver une place de stationnement et pour profiter pleinement de la journée. Je suis arrivé à 6h30 au parking un samedi matin et le parking était déjà rempli.
Crystal Cascades - Hermit Lake Shelter
Il est 7 heures, et les choses sérieuses commencent. Après le décor idyllique des cascades, l’ascension vers le premier plateau débute. À travers une forêt de pins, il faut monter pendant environ 4 km une succession d’escaliers naturels formés par d’anciens ruissèlements d’eau. Cette partie est sans doute la moins excitante, pas de point de vue panoramique, ni de belles cascades à l’horizon, mais des rochers à gravir péniblement pendant de longs kilomètres… Suivez les pierres, et vous arriverez au Hermit Lake Shelter, premier plateau du Mont Washington.
Une petite pause s’impose ! Ici, l’air y est vivifiant, on sort du bois et on se retrouve à flanc de montagne. Il fait très chaud, environ 27 degrés aujourd’hui et le soleil tape fort. J’en profite pour monter ma tente sur une plateforme ombragée réservée au préalable et ainsi me débarrasser de quelques kilos dans mon sac. Je m’arrêterais dormir ici sur le chemin du retour.
Le Hermit Lake Shelter est un refuge pouvant accueillir jusqu’à 80 personnes et cinq tentes. Je conseille vivement de réserver son emplacement à l’avance, surtout en période estivale et en fin de semaine. Des toilettes et une pompe à eau potable sont disponibles sur les lieux.
Avant de reprendre ma route, j’entends une rivière à quelques mètres du refuge. Suivant le bruit fort mais agréable de l’eau, je tombe sur une microplage surplombée par quelques petites cascades, le courant y est fort mais des rochers forment des bains naturels, l’envie de me jeter dans l’eau glacée s’empare de moi. Malheureusement l’heure tourne et je dois continuer mon périple afin d’éviter d’être coincé en pleine nuit.
Hermit Lake Shelter - Five Fingers
Quelques mètres à peine après avoir quitter le refuge, un panorama exceptionnel du cirque du Mont Washington s’offre à moi. Je me dis qu’il va falloir beaucoup de détermination pour monter jusqu’en haut.
Je quitte définitivement les arbres, et je me retrouve à monter des gros blocs de granite accompagnés de buissons sauvages. L’ascension se fait plus facilement que la première partie, mais il n’y plus une seule zone d’ombre et peu de vent. Malgré tout, je n’oublie pas de me retourner de temps en temps pour admirer le beau paysage ensoleillé et dégagé.
Il y a beaucoup de monde sur le chemin ce jour-là, beaucoup font marche arrière et abandonnent. Certains semblent prendre leur courage à deux mains, d’autres semblent très l’aise et montent en trottinant. J’ai même croisé un corps de Marines suréquipés avec des masques d’altitude. Ils semblaient épuisés, torturés par le poids de leur énorme sac à dos et de leur casque.
Après environ une quarantaine de minutes, j’arrive sur un deuxième plateau, où plusieurs cascades dominent la falaise que je m’apprête à escalader. Les cascades sont magnifiques, d’autant plus qu’elle apporte un peu de fraicheur.
Pendant environ 300 m, j’escalade la paroi humide et glissante. Avec 4 points de contact sur la roche, il faut être vigilant, car une chute peut s’avérer fatale. Après environ 250 m, je glisse sur deux mètres et je m’écorche l’avant du bras. Une jeune randonneuse américaine qui me talonnait me demande si je vais bien. Fort heureusement, malgré les égratignures, tout va bien, et je rigole de ma misérable chute. Je continue en étant deux fois plus vigilant avant de m’arrêter pour faire une pause au sommet de la cascade.
La vue au sommet de la cascade est sublime ! En contrebas, le ravin baigne dans un écrin de soleil. Les rayons du soleil se reflètent sur les tons vert émeraude du petit lac du refuge. La chaine des Appalaches se dessine au loin et je remarque avec émotion à quel point je suis au cœur d’une nature préservée, dans un parc national immense et sans limites.
Je reprends la marche, en escaladant quelques rochers. La verticalité du sentier est difficile pour les novices, j’étais surpris de voir quelques personnes âgées réussir sans problèmes. Après quelques minutes d’ascension, j’aperçois un carrefour où plusieurs personnes s’arrêtent pour lire des panneaux et prendre une pause. Un groupe de 6 Américaines qui me suivaient lancent avec émoi « Look girls, the summit is right there! ». Je lève la tête et j’aperçois enfin le sommet du Mont Washington à environ 400 m de marche. Un immense champ de roches reste encore à parcourir avant d’atteindre l’objectif.
Five Fingers - Mount Washington
Arrivé à Five Fingers, un carrefour où 5 sentiers se rejoignent, je décide de casser la croute avant d’entamer le sprint final. Posé sur mon rocher peu confortable, j’écoute les conversations des nombreux randonneurs réunies au carrefour. Beaucoup sont découragés en voyant l’impressionnant champ lunaire qui reste à parcourir. Le groupe de randonneuse qui me suivait demande à un couple s’il existe un autre chemin qui celui-ci pour monter. La réponse est oui, mais il est plus long. J’entends des soupirs, et certaines d’entre elles disent qu’elles n’iront pas plus loin. Dommage de s’arrêter en si bon chemin.
Après avoir mangé un sandwich et quelques graines, je décide de mettre en route pour ce dernier segment. Malgré quelques douleurs au dos, je suis déterminé à grimper au sommet.
Les derniers mètres sont éprouvants, de grosses roches font office d’escalier, mais certaines sont instables et le sentier est difficilement repérable. J’entends un boucan peu naturel en provenance du sommet, et notamment des sons de cloches accompagnés de cris qui semblent être des encouragements.
La fin du sentier approche, j’arrive au sommet. À ma grande stupéfaction, j’aperçois une route goudronnée et un stationnement bondé. Une grande arche gonflable est installée à la fin de cette route. Des dizaines de personnes encouragent des cyclistes qui semblent terminer l’ascension du sommet par la route. Quel comité d’accueil! À ce moment, je me demande ce qui est plus éprouvant, gravier le sommet à pied sur un chemin jonché de rochers ou à vélo sur une route goudronnée ?
La particularité du Mont Washington, c’est que le sommet y est accessible en voiture. Des visiteurs en voiture sont venus en nombres aujourd’hui, la course à vélo y est sans doute pour quelque chose. Habituellement quand on se rend au sommet d’une montagne à pied, c’est l’extase, on se sent seul face au monde, et là c’était plutôt la cohue.
Restaurants, boutique de souvenirs et autre musée sont perchés au sommet de la montagne. J’ai essayé de me faire une place parmi la centaine de personnes présentes ce jour-là. Une file d’attente pour prendre un selfie sur le promontoire du sommet semblait interminable. De vieilles locomotives transportent des familles et des touristes moins courageux jusqu’au sommet. Je me demande combien ils ont payé pour ça.
Je décide donc de renoncer au piège et de m’isoler quelque part pour contempler la vue. Après avoir rempli mes bouteilles d’eau, pris quelques photos, fait un rapide tour à la boutique de souvenir (oui j’ai succombé), je décide qu’il est temps de démarrer la descente du Mont Washington, il est environ 14 heures 30.
Mount Washington - Hermit Lake Shelter (via Lion Head Trail)
La descente se fait relativement tranquillement, même si les cuisses et les genoux commencent à grincer. Un peu avant le carrefour de Five Fingers, il existe un autre sentier pour rejoindre le refuge : Lion Head Trail. N’appréciant guère reprendre les mêmes chemins lors de mes randonnées, je décide d’emprunter ce dernier pour changer de décor. Niveau difficulté, on dit que le Tuckerman Ravine Trail et le Lion Head Trail sont égaux. Dans les deux scénarios, la descente peut s’avérer éprouvante et douloureuse. Fort heureusement j’ai mes bâtons et je suis animé par une folle envie de me baigner dans l’idyllique rivière aperçue plutôt au refuge.
Sur le chemin retour, il faut faire attention, certains passages se font aux abords du vide et les jambes peuvent parfois trembler après une telle ascension. Certains segments étaient encore humides d’une forte pluie de la veille. Sur un chemin escarpé en forêt, un jeune homme derrière moi glisse violemment. Je me retourne pour aller le voir, il semble étourdi, mais pas blessé. Je lui propose de boire un peu d’eau et de prendre quelques minutes pour reprendre ses esprits. Il me remercie et nous faisons un petit bout de chemin ensemble avant de nous séparer une fois arrivé au refuge.
Il est environ 17 heures, je suis exténué. J’ai pris quelques instants pour me coucher sur un banc près du chalet principal où un timide, mais curieux tamia est venu me saluer. Quelques minutes plus tard, je reconnais deux randonneurs américains qui sortent tremper de la lisière de la forêt. Chance m’invite à aller se baigner à la rivière, je n’ai pas hésité une seule seconde. En compagnie d’une très sympathique famille américaine, nous nous sommes baignés dans l’eau glacée de la rivière contemplée plus tôt dans la journée. Une bénédiction !
Il est 18 heures, je décide de quitter mes compagnons de baignade et de rejoindre mon campement. Une fois changé, je me sens beaucoup mieux et plus propre. L’eau des glaciers revitalise et remet les idées en place. Le soleil n’est pas encore couché, mais j’ai qu’une envie c’est de me glisser dans mon sac de couchage et me laisser porter par les paisibles sons de la forêt. Le difficile réveil à 5 heures du matin plus tôt dans la journée se fait ressentir. Je mange un bout et je m’allonge dans ma tente en espérant ne pas m’endormir pour pouvoir contempler les étoiles. Il est 20 heures, et je suis déjà en train de rêver dans un sommeil profond.
Hermit Lake Shelter - Pinkham Notch Visitor Center
Le lendemain, réveil à 7 heures. Le temps de démonter la tente, faire mon sac, saluer quelques randonneurs matinaux au refuge, je reprends la route et je descends le monotone sentier jusqu’à la cascade. Après une heure de marche, j’arrive au stationnement où ma voiture était encore embuée par la rosée du matin. J’en profite pour aller au Visitor Center pour prendre un café et me doucher. En ouvrant la porte de sortie du bâtiment, je salue les derniers randonneurs en train de se diriger vers le sentier, ils semblent déterminés et motivés, leurs cœurs prêts à accueillir ce qui a été pour moi, l’un des plus beaux défis que je me suis lancé à ce jour.
Un texte énergiquement rédigé à l’image du randonneur, On avait l’impression d’y être. Excellent.