Pacific Crest Trail

Pacific Crest Trail selfie
Après avoir voyagé dans une quinzaine de pays d’Europe à pied et en stop, traverser les Alpes en empruntant le fameux GR5, j’ai décidé de m’attaquer au mythique Pacific Crest Trail. Une aventure de 4270 kilomètres à pied, de la frontière du Mexique au Canada.

Itinéraire du Pacific Crest Trail

Topo de la randonnée

  • Durée : 4 mois et 20 jours
  • Pays : Etats-Unis
  • Département : Californie, Oregon, Washington
  • Difficulté : Difficile
  • Distance : 4270 km
  • Dénivelé positif : 141 000 m
  • Informations supplémentaires : Neige possible, Bivouac autorisé, Panorama, Volcan, Lac

Pacific Crest Trail, une aventure grand format.

2019, le covid touche la population mondiale et la société s’arrête de tourner. Le monde entier cloîtré. L’immobilité me tue à petit feu.

Et pourtant, depuis toujours une promesse intransigeante, vit en moi. Découvrir le monde avant de me faire engloutir dans une routine, de laquelle on sait, on ne revient pas. Cette envie irrépressible du mouvement, devenue maladive, obsessionnelle, viscérale et irrésistible.

A l’aube de mes 23 ans, à une année de la fin de mes études, j’entreprends silencieusement la préparation d’un voyage. Un voyage d’une envergure qui me dépasse. Marcher seul sur plusieurs milliers de kilomètres, de la frontière mexico-américaine jusqu’à celle américano-canadienne. Le Pacific Crest Trail dit le “PCT”.

Exercice périlleux que de documenter une telle expérience en quelques mots. Il faudrait un livre pour exprimer tout ce que j’ai vécu. Un court récit pour une grande aventure.

J’ai donc choisi de vous partager des moments clés de ce voyage.

Le départ : 1130 kilomètres dans le désert Californien.

 

Des mois d’organisation légendaires et inefficaces plus tard, me voilà à bord de l’avion. Je touche mon rêve du bout du doigt.

Pour commencer, on n’est pas très copain avec l’anglais. Puis, je n’ai qu’un billet d’avion sur deux pour me rendre au départ du trail.  Enfin, l’auberge de jeunesse ne répond pas à mes messages. Un bon début d’aventure en soi.

Une fois les petites broutilles réglées, me voici chez Scout & Frodo. Un couple mythique dans le petit monde du PCT.

Depuis une vingtaine d’années, leur maison est un véritable camp de base. Grâce à eux, un nombre incalculable de jeunes hikers en herbe ont pu finir les derniers préparatifs avant le grand jour. Aujourd’hui, ce moment me semble appartenir à un autre temps.

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3 jours plus tard, le 26 avril 2022: Campo, Terminus Sud.

Face à moi : Le mur séparant le Mexique des Etats-Unis.

Je ne réalise pas. Le rêve se mélange à la réalité, ma réalité. Je me sens comme un enfant à qui l’on apprend à marcher, ironie du sort lorsque l’on sait qu’il me reste 4 270 kilomètres à parcourir. Des milliers de kilomètres pour découvrir de quoi je suis capable et de comment la gravité va affecter chacun de mes pas.

Cette euphorie intense durera bien un mois et demi. Chaque jour est une découverte des limites de mon physique et de mon esprit. Une découverte des paysages et des êtres humains par la même occasion. J’ai des étoiles pleins les yeux malgré la chaleur écrasante, le manque d’eau et de nourriture et de mon hygiène incontestablement mauvaise.

Cette partie désertique de 40 jours  fut riche en émotions et en découvertes. Elle m’apprend le détachement, à sortir des prisons mentales, à celles que l’on se créées, à celle que l’on subies.

La nature n’offre aucun répit pour se rafraîchir, il faut avancer sous 45 degrés sans ombres et sans vent. L’eau est parfois stagnante mais je la bois, j’oublie la faim alors qu’elle martèle l’esprit et fait hurler mon estomac. Il faut aussi faire face au rattlesnake* et se demander si on n’est pas ivre. Inévitablement, on sort de sa zone de confort.

*Serpent à sonnette

a white truck driving down a desert road

Les hautes altitudes : La Sierra Nevada.

La plus belle des récompenses : Le 6 juin j’arrive dans la sierra Nevada à Kennedy Meadows pour mon anniversaire.

Aucune blessure, un moral d’acier et une quête inachevée. Dix kilos de perdus. 3150 kilomètres restants.

Bien que je sois très heureux d’être là où je me trouve, je ne ressens pas ce que je suis venu chercher ici.

Il faudra attendre la fin de la section désertique et entamer la Haute Sierra pour que mon imaginaire de départ colle avec la réalité.

Le détachement physique des quelques camarades rencontrés m’est absolument nécessaire si je souhaite commencer mon voyage intérieur.

Je pars seul m’enfoncer dans cette nature hors-norme par sa taille et par son éloignement de la civilisation.

Étrangement, on me demande souvent si cela n’a pas été trop dur d’être seul pendant des jours face à toute cette immensité, si je n’ai jamais ressenti une sorte de stress ou de claque de lucidité (« qu’est ce que je fous là ? »). Ma réponse est non, mille fois non.

Non, je n’ai jamais ressenti d’angoisse malgré l’éloignement, les tempêtes, le rationnement de nourriture ou la présence des ours. En tout cas aucune angoisse comme on l’entend. Je n’ai jamais été aussi confiant de toute ma vie. J’étais là. Présent et connecté à tout ce qui m’entoure, faisant face au spectacle hallucinant de la nature et aux dérives (nombreuses) de mon esprit.

J’étais comme un enfant, abasourdi de naïveté et d’amour pour les choses nouvelles. Loin de tout, j’étais enfin proche de moi et des miens. Sentiment très paradoxal de contrôle absolu dans un environnement où rien n’est contrôlable. Je me sentais à ma place. Recentré. Aligné.

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Mais dans les hautes altitudes, j’ai perdu pied.

Après avoir gravit le Mont Whitney, le plus haut sommet des Etats-Unis (sans compter l’Alaska), culminant à 4420 mètres d’altitude, je me retrouve seul pendant 10 jours sans réseau sans musique ni stockage sur mon téléphone. Je sais que je ne pourrai pas immortaliser ces moments. C’est con mais ça me vide. Pour la première fois de ma vie, le sentiment d’abandon me prend à la gorge. L’encre de mon stylo manque, je ne pourrai non plus coucher mes idées sur le papier. En plus de l’abandon, je ressens le manque.

L’auto-introspection est à son point culminant. Tant de questions sans réponse jusqu’à ma première rencontre avec une femelle ours et ses deux bébés. Ça m’a bien remis les idées en place. Je devais me sentir complètement déboussolé par la beauté de notre monde pour me reprendre.

Ce mammifère imposant de puissance et de tendresse aura valu tous les psychologues du monde sans que j’en aie une réelle explication.

La rencontre de cet animal totem que j’imaginais depuis mon enfance dans les histoires inventées était là, à cinquante mètres. Un spectacle privilégié, rien que pour moi, loin d’une horde de touristes entassée derrière les barreaux d’un zoo. Une connexion d’une dizaine de minutes avec les sens en éveils et l’esprit ouvert à cent pour cent, prêt à recevoir tout ce que ce monde sauvage avait à m’offrir.

a body of water with trees around it

Californie du Nord, Oregon et Washington :

Le corps s’adapte à une vitesse folle. 2 mois et demi depuis le premier jour. Le nombre de pas augmente de jours en jours sans grande difficulté, passant à une moyenne de 40 kilomètres.

De nombreuses zones ont été touchées par d’immenses feux qui ont tout ravagé. Je marche plusieurs jours dans des forêts complètement brûlées. La chaleur est intenable et l’eau se fait rare. Des amas de cendres volent sous chacun de mes pas. Mon hygiène est déplorable.

L’Oregon est une section qui m’a particulièrement touché. Un sentiment d’apaisement marqué par d’immenses forêts. Une sorte de tunnel vert qui permet de se recentrer un peu plus sur soi après toute la dopamine reçue quotidiennement dans la Sierra.

Washington où l’émerveillement est ultime malgré les feux de forêt, les tempêtes et les obstacles. Le début de cette section est marqué par le mythique « bridge of the god », le pont où la protagoniste du film Wild finit son aventure sur le PCT.
Le spectacle est dantesque bien que le sentier soit chaotique. Il est difficile de garder un bon rythme tant les obstacles se suivent : des arbres de la taille d’un bus coupent le sentier, des rivières intimidantes et une végétation extrêmement dense rendent la progression difficile.

La fin du trail sera marquée par d’immenses feux impliquant un important brouillard sur des centaines de kilomètres jusqu’au terminus nord : Le Canada au bout des doigts.

Quatre mois et vingt jours après mon départ de la frontière mexicaine me voilà au bout du voyage, au bout de mon rêve, celui de traverser un territoire entier à la seule force de ses jambes.

wide road with vehicle traveling with white dome building

Le retour : partie intégrante du voyage.

Un autre moment marquant du voyage a été celui du retour. Un retour brutal bourré de stimulation venant de toute part.

Après cinq mois de marche à tendre vers un objectif unique, me voilà lâché dans la jungle urbaine de Seattle sans but précis.

Cinq mois de calme absolu effacé par le bruit des klaxons, 40 kilomètres de marche journalière réduit au piétinement imposé par la ville et son rythme de croisière.

L’abondance de nourriture, l’alcool, le bruit, les touristes, la musique et la nature qui se bat pour survivre face aux structures de béton m’ont très fortement perturbé mais j’ai tout enfoui en moi. Après tout, qui suis-je pour jouer les Robinson Crusoé ? Je ne suis pas réellement resté sans contact avec le monde pendant plusieurs mois. Je me suis juste retiré du mieux que j’ai pu sans réellement disparaître, car de toute façon, cela est impossible sur le PCT.

Nous croisons forcément du monde ou un semblant de civilisation assez régulièrement.

Alors la grande question est : pourquoi ? Pourquoi avoir autant été affecté par ce retour ?

Le retour est le moment du voyage le plus difficile à surmonter. Bien plus que le combat physique pour gravir des montagnes de 4 000 mètres ou se manger 82 kilomètres dans une journée.

Le retour est quelque chose que l’on ne prépare pas ou peu; et que le voyageur oublie d’inscrire dans ses plans.

L’excitation du départ et de l’aventure nous fait oublier qu’un jour, il y aura une fin. Le retour, c’est l’expression du déni par excellence.

 

Un semblant de conclusion :

Il est bien difficile d’expliquer tout ce que cette aventure m’a apporté.

Malgré des milliers de photos et vidéos, un carnet rempli à ras bord, je ne pourrais jamais tout détailler et puis, après tout, il faut le vivre pour vraiment se rendre compte de ce que cela représente.
J’ai cependant tenté de tenir un journal de bord via mon compte instagram (skab_adv) où vous pourrez découvrir de nombreuses photos accompagnées de textes sur les différentes sections.

 

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