L’Ibère fut rude : road trip à moto en Espagne et au Portugal

Au départ, trois motos, trois motards, trois pays… la France, l’Espagne et le Portugal. La suite, je vous la raconte…

Road trip à moto entre l'Espagne et le Portugal

Informations sur le voyage

  • Durée : 27 jours
  • Nombre de voyageurs : Solo

Introduction sur le road trip

Début 2022, comme pour les deux années précédentes, nous étions encore dans l’expectative quant à la circulation des personnes et aux conditions sanitaires exigées des différents pays. Le plus sûr m’a semblé de viser un ou des pays proches, faisant partie de l’Union européenne. Exit donc les pays du Brexit… Retourner en Irlande ? On va attendre un peu, depuis 2019 j’ai à peine séché… La Belgique ? J’adore les Belges et leur humour, mais de là à y voyager, il y a des limites à la rigolade… Le Luxembourg ? Je n’ai rien à placer… L’Allemagne ? Nein ! La Suisse ? Trop propre, trop chère, trop stricte et trop petite… L’Italie ? je me la réserve hors saison, pour la retraite si j’en ai encore les moyens… La Corse ? (pour ne pas me fâcher avec ces gens-là) comme pour l’Italie… L’Espagne ? C’est bien ça, l’Espagne… l’Andalousie, tiens !

C’est chaud, mais c’est bien l’Andalousie… puis retour par le Portugal, c’est chaud, mais c’est bien le Portugal… Je viens donc de trouver ma destination estivale et de perdre les Luxembourgeois, les Allemands et les Suisses (les Belges ont de l’humour je vous dis), qu’à cela ne tienne.

D’habitude je pars seul. C’est un choix. Néanmoins, le hasard fit que l’année dernière, lors d’une pause près d’Iraty, dans le Pays basque, je rencontrais deux motards de ma région. Je m’apprêtais à traverser les Pyrénées du côté espagnol par des petites routes improbables et eux par des pistes.

Première rencontre près d’Iraty en 2021.

Le hasard, encore lui, aura voulu que nous nous retrouvions dans un camping de Catalogne le dernier soir de cet épisode hispanique. Cette soirée nous permit d’échanger quelques anecdotes et nos coordonnées.

Retrouvailles en Catalogne quelques jours plus tard.

Une fois rentrés, ils me proposèrent de partir ensemble aux prochaines vacances, sans me cacher que la préparation de mes trajets les intéressait. Pourquoi pas ?… D’autant que leur façon de voyager ne semblait pas si éloignée de la mienne. De mon côté, le fait d’être trois, m’ouvrait la possibilité de prévoir quelques pistes dont je me serais abstenu seul, vu ma meule, mon chargement, et surtout mon niveau dans ce domaine…

C’était donc parti… Le Bon, la Brute et le Truand.

Vers le mois de février, je commençais à consulter, via le Net, divers récits de voyage en Andalousie, tracer mes trajets et consulter les possibilités de campings.
Fin mai, tout fut fin prêt, mais début juillet, à une semaine du départ, le Truand déclara forfait pour raison de santé. Et merde…

Au matin du départ, le sadi 9 jouillé, il ne restait donc que le Bon et la Brute…

Jour 1 - Sadi 9 jouillé - 440 km prévus

Départ à 9h00 du Groland de l’Ouest avec ma 1150 GSA, en compagnie de Yannick et sa 1100 GS de 250 000 km (cela aura, malheureusement, sans doute son importance).

Les cent cinquante premiers kilomètres de voie rapide sont sans intérêt, sinon celui de me révéler que mon nouveau pneu arrière, un Pirelli Rally STR, associé à mes deux valises alu, fait un bruit insupportable à partir de 80 km/h. À la première pause café, j’enfourne mes bouchons d’oreilles qui seront également salvateurs dans certains campings à venir.

Les trois cents kilomètres suivants se font sur des petites, voire très petites routes des Deux-Sèvres, de Charente et de Dordogne. Même si nous ne sommes pas encore dans le dur, ces paysages et petits villages traversés sont un vrai plaisir. Nous pouvons dire que le voyage a commencé.

Quelques kilomètres après Bergerac, à Faux, nous arrivons à notre gîte d’étape. Un centre équestre, où j’ai déjà campé, qui accueille à l’occasion des randonneurs en gîte pour dix balles. À ce tarif, on ne s’emmerde pas à planter les tentes. Néanmoins, je réalise que nous venons de bouffer notre seul joker d’hébergement en dur… et comme si ça ne suffisait pas, nous partons nous restaurer dans le village voisin… Holà, il va falloir se calmer mon Yannick !

Ce fut une agréable journée à la météo idéale. D’ailleurs, ils n’annoncent que du beau pour les jours à venir.

Jour 2 - Gromanche 10 jouillé - 360 km prévus

C’est parti ! Descente tranquille vers les Pyrénées et l’Espagne par les nationales. Rien de transcendant, mais les kilomètres défilent agréablement, et il est toujours motivant pour nous, motards grolandais, d’apercevoir au loin les premiers reliefs pyrénéens. Nous nous arrêtons près d’Astaffort, devant une petite cabane au fond d’un jardin où ils vendent des melons.

C’est après Lannemezan, dans un petit parc, que nous engloutissons un curcurbitacé cabrelien et quelques charcutailles sorties des valises. Comme la pelouse du petit parc est avenante et encore verte, nous nous autorisons une sieste d’environ mille deux cents secondes. Commencent alors les virolos vers le tunnel de Bielsa. C’est toujours frustrant de traverser une région si magnifique aussi rapidement. En attendant que le feu du tunnel passe au vert, nous réalisons qu’il fait vraiment chaud et comprenons mieux pourquoi, à plusieurs reprises, nous avons perdu l’avant sur les raccords en chewing-gum.

Nous voilà en Espagne. Toujours aussi chaud, mais la qualité du revêtement routier s’améliore. Nous nous arrêtons à Aínsa faire le plein. Le carburant n’est pas donné ici non plus, mais je me réjouis en constatant que la pompiste de la caisse s’est gourée d’environ six euros en ma faveur par rapport au prix affiché sur la pompe.
Quelque quatre kilomètres plus loin, alors que je prends une intersection en épingle, j’entends Yannick me crier de m’arrêter. Il a stoppé avant l’épingle. Je descends de ma meule et vais à sa rencontre. « C’est la merde, j’ai plus d’embrayage ! » me dit-il. On commence a inspecter le câble qui semble bien fixé des deux bouts et entier… mais en ressortant sa main de derrière l’embrayage, Yannick ramène une pièce qui, normalement, ne devait pas être ramenée… La biellette de commande d’embrayage a cassé !

Effectivement, c’est la merde… l’étron de compét’… et putain qu’il fait chaud ! Commence alors, au bord de la route, les négociations avec l’assistance de la Macif. Entre les coupures de communication, les renvois vers différents interlocuteurs, le marchandage… Yannick arrivera a trouver une première solution.

Entre temps, j’ai été voir un camping à environ deux kilomètres, car le nôtre est encore à trente bornes. Ils me disent qu’il y aurait effectivement de la place pour deux tentes, mais quand ils m’annoncent le tarif, je ne peux pas dire que ça me calme, bien au contraire… trente balles la nuit par personne ! Deux à trois fois plus cher qu’en France. Je prends sur moi et accepte le truc. Je vais planter ma tente rapidement et déposer mes bagages. Yannick m’appelle pour me dire que le dépanneur n’arrive pas à trouver l’endroit où il est en panne et que je dois retrouver ce dépanneur devant le camping pour le guider jusqu’au lieu du drame. Et putain qu’il fait chaud !

Après un certain temps, la meule est sur le camion, Yannick au camping et toujours dans la merde …

Dans la soirée, à tête reposée, nous téléphonons à deux de nos connaissances, d’anciens mécanos Béhème. Leur verdict est unanime : la casse de cette pièce est rare et son obtention, même en concession, dans un délai raisonnable, n’est pas gagnée. En plus, il faut déposer le pont… la main-d’œuvre, tout ça… le mieux serait de rapatrier la moto, sauf qu’à plus de sept cents bornes du domicile la Macif ne fait pas. Yannick les rappelle pour négocier et obtient le rapatriement de la meule et du bonhomme. Chapeau l’artiste !

J’ai bien essayé de négocier avec le pilote de la voiturette du camping pour un rapatriement, mais ça n’a malheureusement pas abouti…

Du coup, Yannick m’offre le resto au camping, il culpabilise… je ne sais pourquoi… On décide que je partirai le lendemain matin pour continuer seul. Yannick en a pris un coup au moral. Je compatis et culpabilise un peu à mon tour de poursuivre en solo. De vraies midinettes…

Au bout de deux jours, du Bon, de la Brute et du Truand, ne reste que le Bon… (la Brute c’était Yannick, car pour briser une biellette d’embrayage…) À croire que je suis fait pour voyager seul…

Jour 3 - Lendi 11 jouillé - 380 km prévus

C’est avec beaucoup d’empathie que je quitte mon compagnon de voyage pour le laisser à son triste retour en Groland de l’Ouest. Un taxi doit venir le chercher en fin de matinée pour l’emmener jusqu’à Toulouse où une voiture de location l’attend.
Je laisse donc Yannick et les Pyrénées derrière moi pour descendre vers les plaines d’Aragon où les virolos laissent la place à de longues lignes droites sur lesquelles, c’est étrange, j’ai l’impression de me trouver dans la dernière case d’un Lucky Luke…

Sous cette chaleur, le caractère plat et rectiligne des routes devient lassant. La culture est céréalière et, si je me fie à mon odorat, l’élevage porcin…

La programmation de mes itinéraires et la géographie locale font que je retrouve vite du relief et des routes à une place. À la sortie d’un virage, au milieu d’un champ en contrebas, je surprends deux biches et un cerf. Le spectacle est superbe ! mais éphémère, car les bestiaux ne semblent pas apprécier le brame du flat, et n’attendent pas que ma GoPro sorte de sa sieste pour regagner le pan de montagne boisé avec une facilité et une rapidité impressionnantes.

La chaleur est bien présente… ça cogne ! Je fais une pause dans la petite ville de Calanda, surtout pour me désaltérer. Agua con gas, ce sera ma boisson ibérique de l’été, non sucrée, désaltérante et facile à prononcer. D’ailleurs, mon espagnol de collège me fera croire pendant plusieurs jours à une « agua congas »… ne comprennant pas pourquoi ces « percussions aquatiques ».

J’en profite pour allumer un cierge en prévention d’une possible casse de ma biellette d’embrayage, avant de réaliser que ma meule possède un embraye à commande hydraulique. J’éteins le cierge et le laisse au bon usage de Mélanie… (les brassensophiles comprendront)

Si ces petites routes sont à mon goût, elles ne font que lentement progresser mon parcours et, associées à la chaleur, commencent à entamer mon physique. Aux 380 km prévus, je dois en rajouter une trentaine du parcours non achevé la veille au soir. Si ce kilométrage peut sembler raisonnable, les heures passées sur la meule se font bien ressentir. De surcroît, ce n’est que le début du voyage et l’organisme doit s’habituer, ça me fait le coup à chaque fois.

C’est en début de soirée que j’arrive devant mon camping de Manzarena. Je devrais plutôt dire devant un grand portail métallique fermé. Et merde… Il y a bien un interphone au portillon, mais nada ! Le bouzin semble bouclé. C’est alors qu’arrivent deux anciens en voiture qui se garent devant le portail. Je m’approche d’eux et un dialogue de sourds commence. Avec des gestes, j’arrive à faire comprendre à l’hombre que je désire planter ma tente pour une nuit. Il essaie de passer un coup de fil, sans succès, puis ouvre le portail coulissant qui n’était verrouillé et nous partons en quête de la propriétaire. Nous la trouvons après plusieurs minutes. Pas très aimable, elle me dit qu’il est possible de camper (tu m’étonnes, le bouzin est vide) et qu’il y a bien des douches (j’en doutais), puis m’annonce un prix de 24 euros. Je lui réponds par la négative et regagne la moto. En consultant mon portable (car depuis cette année j’ai Internet), je constate qu’il n’y a pas d’autres campings avant bon nombre de kilomètres. Bien qu’interdit en Espagne, je me vois déjà bivouaquer ce soir, mais la chaleur encore présente et la fatigue ont raison de mon obstination à ne pas accepter de me faire enfler. Je retourne voir la tenancière pour lui dire que finalement… du coup, elle me réduit le prix à 18 euros et m’offre une boisson fraîche. Pour ce qui est des tarifs des campings en Espagne je me ferai une raison. Celui-ci est en capilotade, presque à l’abandon. En revanche, les sanitaires sont fonctionnels et relativement propres. Je pense que c’est un truc qui ne devait pas très bien tourner avant la Covid et qui n’y a pas survécu. L’avantage est de ne pas être emmerdé par les voisins. C’est sur cette note positive que je me couche, bien fatigué.

 

Jour 4 - Môrdi 12 jouillé - 420 km prévus

Constatant que par moment je manque sérieusement de photos pour imager mes propos, j’ai décidé d’extraire de ma GoPro quelques images qui seront malheureusement de qualité moindre.

De bonne heure, j’abandonne mon camping à l’abandon pour rejoindre ce soir l’Andalousie.

Les choses sérieuses vont débuter après seulement quelques kilomètres. J’enquille une jolie petite route forestière où le bitume laisse apparaître progressivement des trous de plus en plus gros et nombreux, puis je me retrouve vite sur un chemin caillouteux. Ça, ce n’était prévu, enfin pas tout de suite… Sur certaines zones bien empierrées, je ne fais pas le mariole… la meule, à plusieurs reprises, a des velléités d’indépendance. Il faut dire que mes titres de gloire en off-road se résument principalement au plateau d’Emparis et au désert des Bardenas (où j’ai quand même failli me gaufrer deux fois). Seul, sur ces chemins où je ne croise personne ne serait pas forcément un drame, mais relever l’engin serait plus sportif. Par contre, il faut bien avouer que le paysage est superbe. Dommage que je sois si crispé. Et c’est qu’il est long ce chemin… puis c’est l’inverse, des morceaux de bitume apparaissent au fur et à mesure pour former une petite route bien pourrie.

Début du chemin forestier.

Plus loin, je traverse plusieurs hectares ravagés par l’incendie. Un tel paysage de désolation est toujours impressionnant. Étonnamment, en 9 500 km, ce sera la seule zone incendiée que je traverserai.

Je vais bientôt quitter la province de Valence pour celle de Castille, séparées par le cours d’eau Cabriel. Là, je sais qu’un bout de piste est prévu au programme. Sur Street View, la Google car ne passait pas. En espérant que la Grogil bike puisse le faire, sinon c’est un détour conséquent. Avant d’arriver à la piste, un panneau sur le bord de route m’inquiète, un panneau cul-de-sac… je prends la piste qui s’avère aisée et arrive à la rivière. C’est paradisiaque ! De superbes couleurs et une sensation de fraîcheur. Ce n’est qu’une sensation, juste une sensation… Je commence par aller tremper mon t-shirt dans l’eau et le remets. Waouf ! Ça fait un bien fou. Il y a un petit pont bétonné pour franchir le cours d’eau. J’espère que le cul-de-sac n’est pas après, sinon pourquoi il y aurait un pont ?

Le sac n’a plus de cul… ça passe nickel. L’effet t-shirt mouillé est un délice. Je comprends mieux, maintenant, pourquoi ils en font des concours.
Les paysages sont toujours aussi beaux et les villages commencent à sentir bon l’Andalousie.

Alcalá del Júcar

J’avais presque oublié la piste forestière de ce matin qu’à deux reprises mes petites routes se métamorphosent en pistes empierrées, mais en pire ! Je joue les équilibristes pendant une bonne trentaine de bornes. Mais elles sortent d’où ces pistes ?! Et putain qu’il fait chaud, au moins 80° C… Je me dis que je devrais diminuer la pression de mes pneus (je n’ai jamais testé), mais je pense toujours que je vais bientôt retrouver le bitume, là, juste après le virage… Je me dis que je suis un vrai manche, que le off-road n’est décidément par pour moi, je me dis aussi que je vais me gaufrer, c’est sûr… je me dis que le bon côté est qu’il n’y a personne pour se foutre de ma gueule, et que le mauvais, personne pour m’aider à relever l’engin. Pendant que je me dis tout ça, mes roues continuent seules leur promenade de droite à gauche. Enfin un semblant de dur, puis du dur… sauvé ! Parmi toutes ces oliveraies, avec mes fessiers, je peux sans problème trouver un boulot de saisonnier-presseur ambulant. Promis, la prochaine fois je dégonfle les boudins.

Soudainement, le paysage change radicalement. Je roule pendant plusieurs kilomètres avec d’un côté des falaises calcaires aux habitations troglodytiques et de l’autre une végétation luxuriante. Un cours d’eau doit en être la cause. On pourrait se croire de l’autre côté de la Méditerranée.

 

L’Andalousie se rapproche, je vais y entrer par la province de Jaén.

Ça y est !

J’arrive enfin à mon camping. C’est pas mal du tout. Propre et calme, à un tarif raisonnable.

Séchage de mes dessous affriolants. Je peux vous dire que, sur les pistes de la journée, les trois coqs du milieu se sont retrouvés à l’étroit…

C’est maintenant, après la douche, que je ressens la fatigue. Presque dix heures de meule sous une forte chaleur, avec environ cinquante kilomètres de pistes imprévues qui m’ont demandé une concentration maximale.
Ce soir je monte au village de Siles et c’est resto !

Jour 5 - Credi 13 jouillé - 320 km prévus

Ce matin je fais fort : départ 7h00 ! J’aime rouler de bonne heure, il fait bon et c’est là que les lumières sont les plus belles.

Il est à peine 7h30 et les hombres sont déjà à l’ombre.

Je longe l’embalse (retenue d’eau) del Tranco de Beas alimenté par le Guadalquivir. C’est beau !

Embalse del Tranco de Beas.

Autant la vieille j’ai été surpris par des pistes imprévues au programme, autant aujourd’hui je sais avoir prévu une piste forestière de quelque vingt kilomètres qui traverse une partie du parc national de la sierra de Cazorla, tout comme le Guadalquivir. Est-ce une bonne chose ? Chat noir échaudé, tout ça… peut-être sera-t-elle moins caillouteuse que la précédente ? Allez go ! Ça commence par quelques kilomètres sur une piste facile et bien damée. La présence de nombreux randonneurs m’arrange, elle m’oblige à y aller piano. Je suis presque aux anges quand apparaît une barrière, néanmoins ouverte, mais accompagnée d’un panneau d’interdiction à tout véhicule à moteur. Et merde… Bon, je me trouve en plein parc national, en période où les risques d’incendie sont majeurs et où les randonneurs sont légion… je ne vais pas braver les interdits. Je fais demi-tour en me disant que cette piste se serait dégradée, avec d’énormes pierres, des montées et descentes de la mort qui tue, des gués insondables, des ravins, des ours… et en bout, une barrière bien hermétique m’obligeant à faire demi-tour…
Je fais donc un détour de vingt-cinq bornes.

On ne passe pas !

Je continue sur le dur, entouré de bien beaux paysages.

Tout droit ?

Sur ma gauche l’embalse de Negratin, aux couleurs exagérément bleu turquoise, c’est surréaliste et magnifique. Sur ma droite, les reliefs du désert de Gorafe que je dois retrouvé dans quelques jours, mais ça c’est une autre histoire…

Il n’est peut-être pas nécessaire de vous dire qu’il fait chaud ? très chaud… à tel point que j’en arrive même à avoir la flemme de m’arrêter… Bon, des fois il y a tout de même des trucs qui font que…

Ermita de Tices.

Ohanes

Voilà, j’arrive à Almócita, lieu où se trouve mon camping. En revanche, il va falloir que je le trouve, et ça aussi c’est une autre histoire. Au début du bled j’ai bien vu une pancarte camping, mais après plus rien. Mon GPS persiste à vouloir me faire passer par des rues ou routes en sens interdit. À chaque fois je me retrouve sur la nationale qui contourne le village. Qu’est-ce que c’est que cette blague ? Ça en devient comique, les rares péquins que je croise me reconnaissent à chaque tour… À ma quatrième tentative, je prends une ruelle en sens interdit en espérant que ça débouche. Je me méfie avec ces petits villages espagnols… Je me retrouve dans un dédale de chemins et petites routes pavées, puis mon GPS semble retrouver la sortie de ce labyrinthe.

J’arrive enfin à mon camping. Enfin, encore devant un portail fermé et une pauvre caravane esseulée… Et merde… Et putain qu’il fait chaud ! Il est fermé ce camping !

En fait non, je suis seulement arrivé par le cul du camping. Un peu plus loin se trouve l’entrée principale, mais il y a là aussi un grand portail fermé et le bouzin est vide de tout campeur. Et remerde… Au bout de quelques secondes, le proprio vient m’ouvrir. C’est ouvert, et c’est tant mieux, car j’ai prévu de camper là trois nuits. Je lui indique dans mon espagnol bien singulier que je serai seul, contrairement au mail que je lui avais envoyé quelques mois auparavant. Il a l’air navré, sans doute plus pour son chiffre d’affaires, vu l’affluence, que pour nous.

Il me fait comprendre de le suivre, qu’il va me proposer un emplacement ombragé. Je m’exécute, lui devant, moi derrière en moto. Il me montre l’emplacement, je le mouchassegrachiasse et entame ma manœuvre… et c’est là que survient le drame… « Descendez, on vous d’mande ! » Voilà Grogil et sa monture à l’horizontale devant un hôte ébahi et paniqué qui se précipite pour relever la meule tout seul. Mollo Pablo ! On va faire ça à deux… À grands coups de « Oh hisseo » (en espagnol dans le texte) on redonne à la bécane posture plus présentable. Le mec n’en revient pas du poids du bestiau. Tu parles d’une entrée en matière…

Le drame ! si l’horizon n’est pas droit c’est normal…

La tente plantée et le cascadeur douché, je me rends à l’accueil retrouver mon sauveur et lui indiquer que je resterai une nuit de plus que les trois prévues. C’est décidé, je rajoute un jour à mon voyage pour souffler un peu. Lors de la création de mes itinéraires, je n’ai pas assez pris en compte le facteur chaleur associé à l’état des petites routes et leur caractère montagneux.

Finalement, il est très bien ce petit camping familial. Relativement ombragé, propre, et calme puisque je suis le seul campeur. Bien que très réservé, le proprio m’a l’air sympa.

Des petits emplacements sympa.

Une vue tout aussi sympathique.

Jour 6 - Joudi 14 jouillé - km prévus, on verra…

Pour ce sixième jour, je m’étais prévu soit un itinéraire par les pistes, soit un itinéraire par la route, mais rappelez-vous que j’ai rajouté une journée à mon voyage pour me reposer. Je décide donc de piocher des morceaux de pistes et de routes, de mixer ça et d’étaler le résultat sur deux jours.

En ce jour de fête nationale, je vais commencer par changer les lampions du bal, car hier soir je me suis aperçu que mon feu arrière et mon feu-stop ne fonctionnaient plus. Je démonte donc le « verre » de feu arrière et tombe sur une anomalie… l’ampoule est encore dans son support, mais pend comme une poire à son arbre. Le support est fondu et l’ampoule cramée. J’arrive à la sortir et tente de reconstituer le trou du support en retirant le plastique fondu avec un canif. J’emmanche une autre ampoule pratiquement en force. Je mets le contact et là : fiat lux ! (quelle belle bagnole disait Desproges) Enfin, fiat lux de trop, car le filament de feu-stop reste allumé en permanence. C’est d’ailleurs ce qui a dû causer la fonte avec l’ancienne ampoule. Ça m’est déjà arrivé. Je vais donc illico mettre mon nez et une pince à bec vers la poignée de frein avant pour tordre la lamelle du contacteur. Yes ! c’était bien ça et pas la biellette d’embrayage…

Allez zou ! Il est déjà 11h et ça cogne… Direction Almería pour rejoindre la Méditerranée.

La voilà, juste derrière une mer de serres.

Almería passé, je prends la direction de la pointe de Cabo de Gata. Je longe une longue plage où il n’y a pas foule. Moi qui ne suis pas plage, il me vient des envies de baignade, avant que mes bottes se rappellent à mon souvenir… Il faut que je vous explique. J’ai des bottes de flic, des Paraboot, ajustées pile-poil. En temps normal elles me vont comme un gant, sans les doigts, mais là, avec une température d’au moins 40° C nous ne sommes pas en temps normal. Les arpions sont dans les bottes, les bottes sont derrière les cylindres et près du pot pour la droite, et ça des heures durant, alors forcément, une réaction doit se produire… chez moi ce sont les pieds qui enflent… J’en chie pour les retirer et walou pour les remettre. Les bottes sont enfilées le matin et retirées le soir. Donc la baignade et la plage avec les bottes et obligatoirement le froc… on oublie !

Je laisse la plage aux plagistes et Giscard à son destin pour filer vers le phare de Cabo de Gata. J’ai constaté en faisant mes parcours qu’il existe une piste en surplomb de la mer, certes en cul-de-sac, mais d’où la vue doit être magnifique. Malheureusement, dès son début cette piste est interdite aux véhicules motorisés.

Aujourd’hui, j’ai donc fait un mélange des parcours off-road et routier qui m’étaient donnés de choisir. J’ai décidé de prendre Nord-Est, Rodalquilar, pour essayer la piste des anciennes mines d’or, en prenant soin de diminuer la pression de mes pneus cette fois. Une fois arrivé au début de la piste, je passe de 2,3 à 1,6 à l’avant, et de 2,7 à 1,8 à l’arrière. La piste est assez caillouteuse, et dès le début, je ne constate pas d’amélioration flagrante du comportement de la moto. À trois reprises, sur des zones un peu plus meubles ou caillouteuses, je manque franchement me gaufrer. Je suis crispé et ne profite pas ce ces paysages admirables aux couleurs bien particulières. Je m’arrête sous le seul arbre de cette piste pouvant m’apporter un peu d’ombre, car il fait chaud, très chaud. Ce manque d’aisance sur les pistes me chagrine beaucoup, car il y en a d’autres au programme, aujourd’hui comme lors des jours à venir, en l’occurrence le désert de Gorafe. De surcroît, je comptais sur la baisse de pression des boudins pour gagner en sérénité, mais dois reconnaître que celui qui se dégonflera le premier sera Grogil… J’essaie de me faire une raison en me disant que j’ai prévu ces pistes, car nous devions être trois… et qu’il est plus raisonnable que je m’adapte à cette défection de participants. C’est décidé, aujourd’hui je finis cette piste et continue par la route. Je me dis aussi que, normalement, cette journée supplémentaire est censée être une journée de repos… À la sortie de cette piste, je suis récompensé par l’apparition d’un joli moulin blanc.

Début de la piste des anciennes mines d’or.

Rodalquilar.

L’un des seuls coins d’ombre, à ne pas louper…

Fernán Pérez.

Un peu plus loin, le panorama est moins esthétique puisque la route traverse une étendue de serres. C’est néanmoins impressionnant ! Sous cette chaleur, ma première pensée est pour les personnes qui travaillent dans de telles conditions, et pas que climatiques… Il est presque 15h00, et la plupart des personnes que je croise semblent originaires d’Afrique noire, à pied sur le bord de route où à vélo. Rentrent-elles de leur dur labeur ? Ça me fait relativiser quant à la chaleur, moi qui suis en vacances… J’arrive à Campohermoso, une ville tirée au cordeau, et profite d’une station-service pour remettre d’équerre la pression de mes pneus.

Campohermoso.

Je regagne mon camping d’Almócita par les petites routes. « Regagner » est un bien grand mot, car ce n’est déjà pas gagné… Il me faut encore plusieurs tentatives pour le trouver. J’y arrive par un autre côté du labyrinthe. Demain, je songerai peut-être à installer un fil d’Ariane.

 

Jour 7 - Dredi 15 jouillé - km prévus, on verra…

Comme la veille, je pioche dans les parcours que j’avais prévus. Aujourd’hui, ce ne sera que de la route. Je décide de me rendre directement à Nijar, vers l’Est,  à quelque 80 bornes, pour ensuite prendre vers le Nord pour aller rejoindre les lacets de Velefique.

Nijar.

Arrivé à Nijar, je m’octroie une pause café. Alors que j’emprunte une petite rue en pente, un vieux sort d’un créneau comme un jeune, mais un jeune handicapé, sourd et aveugle… Je fais un écart in extremis. Ma valoche n’a pas dû passer loin, et je pense que le cacochyme n’a même pas senti le vent du boulet. Il est à peine 9h00 et ça commence fort… je ne sais pas encore que cette journée va être celle du « ce-n’est-pas-passé-loin »…
À la sortie de Nijar, je m’arrête pour prendre une photo et un jeune Gitan m’aborde. J’ai du mal à comprendre son espagnol. Sans doute son accent gitan… Il tient dans une main des galettes et dans l’autre un caméléon. En fait, je pense qu’il me propose un caméléon beurre-sucre. Une spécialité culinaire gitane de la région sans doute, tout comme le hérisson melba. Je décline poliment sa proposition en prétextant que je viens juste de prendre un café.

Crêpier gitano-andalou.

Je continue ma route en traversant la sierra Alhamilla et rejoignant le village d’Uleila del Campo.

En principe, après ça, ça tourne…

Uleila del Campo.

À présent je rentre dans la sierra de los Fibrales et découvre le beau petit village blanc de Cóbdar, niché au pied d’une montagne dont un pan s’est écroulé.

Cóbdar.

Les Andalous ont de l’humour… Cette signalisation m’a bien fait marrer.

Carrière de marbre blanc.

Je gagne Bacares, de façon à prendre de col de Velefique et ses fameux lacets pour rejoindre le village du même nom. Certains parlent du « Stelvio espagnol ». N’ayant fait ni l’un ni l’autre, je vais découvrir.

Photo récupérée sur le Net.

Dans un premier temps, il va falloir braver les interdits. Juste après Bacares, sur la route de Velefique apparaissent deux panneaux signalant son interdiction, et mon espagnol académique me fait penser que le « carretera cortada » pourrait signifier « route barrée »… Allez merde… On n’est pas des bikers… Banzaïïïï ! on y va !

Dès les premiers kilomètres, je m’aperçois que cette route n’a effectivement pas l’air en forme. Elle s’écroule et s’affaisse pas endroits. Je file, je file, jusqu’ici tout va bien.
Après plusieurs kilomètres je remarque une petite route sur ma gauche menant au mirador de la Tetica. Je quitte mon itinéraire pour aller voir de quoi il relève. Je grimpe, je grimpe, jusqu’ici tout va bien…

Tout va bien jusqu’à ce que je m’emmanche en aveugle, et en crétin, dans le dernier raidillon très étroit qui mène au sommet. Je ne souhaite que deux choses : qu’aucun véhicule n’ait l’idée de descendre et que là-haut je puisse faire demi-tour. Mes deux souhaits sont exaucés, bien que pour le second ce sera juste. La vue à 360° est magnifique !

Banzaïïïï ! On n’est pas des bikers !

La photo est trompeuse, le demi-tour ne sera pas si aisé…

Après un demi-tour savant, j’entame la descente… C’est tout aussi splendide, mais tout aussi pentu. Le genre d’endroit où tu préfères ne pas perdre les freins (mais à ce moment précis, je ne connaissais pas encore la suite…).

Banzaïïïï !

Je passe le col de Alto de Velefique à 1 820 m. Malgré l’altitude il fait chaud, très chaud. J’ai étudié mes parcours et pense reprendre le col dans l’autre sens. Je ferai des photos au retour. Du coup, tous ces lacets sont propices à faire joujou. Je joue doucement, car la route n’est décidément pas en forme.

Puerto de Alto de Velefique, 1 820 m.

Les lacets sont presque tous derrière moi. À ma gauche j’ai le vide et à ma droite une paroi rocheuse. Mise à part une chute de pierres, rien ne peut arriver à droite… et bien si ! Un chevreuil surgit de la paroi, comme le vieux ce matin, mais en plus cervidé… Il se retrouve devant moi, dans le même sens… et contrairement au vieux, il a bien remarqué ma présence… Je freine à mort ! l’arrière se bloque, je relâche… lui dérape des pattes arrières pour regagner la paroi… je pourrais y voir un certain mimétisme si le bestiau ne flirtait avec ma roue avant pendant quelques mètres.

C’est bizarre, j’ai l’impression que tout se passe au ralenti. Il part une dernière fois du cul et arrive à regagner la paroi. Je préfère que ce soit lui plutôt que moi… Putain c’était chaud ! Je constate que je venais juste d’éteindre la GoPro qui avait filmé tous les lacets précédents. Et merde… là c’était le Chevreuil d’or au Festival de la cascade animalière… Sûr ! À peine remis de mon freinage « Grand-Veneur », deux où trois lacets après je pense, J’entame mon freinage arrière à l’entrée du lacet et là… Rien ! de chez rien… la pédale finit sa course molle sans aucun effet, et devant, le fossé fait plusieurs centaines de mètres…

Je bénis le mec qui a eu la fabuleuse idée de mettre un frein avant sur nos meules. Je finis les lacets sans frein arrière et aperçois un troquet. Arrêt au stand. Je regarde immédiatement le niveau de mon liquide de frein : normal. Pas de fuite apparente sur le circuit. Je ne vois qu’une chose : mon liquide de frein est trop monté en température. La forte chaleur, les lacets successifs, mon gros usage du frein arrière dans les virages et le freinage d’urgence peu avant ce dysfonctionnement ont eu raison du liquide. Je vais boire un coup et laisse refroidir. C’est à tête reposée que je réalise le « ce-n’est-pas-passé-loin »…

Je reprends la meule et tout est revenu à la normale. Je continue vers Tabernas et son désert, lieu de tournage de nombreux films. C’est par la nationale que je le traverse. Il y a d’ailleurs des sortes de parcs d’attractions ou décors cinématographiques à visiter. Pas pour Grogil qui rentre pépère et bien cuit à son camp de base.

Allez-vous rire si je vous dis que je suis encore arrivé à mon camping par un autre accès ?…

Jour 8 - Sadi 16 jouillé - 365 km prévus

Aujourd’hui, comme prévu, c’est un tour dans la partie méridionale de la sierra Nevada, descente vers la Méditerranée, puis remontée vers Almócita. Je décolle de bonne heure avec le soleil dans le dos. Les couleurs sont très belles et l’air encore frais. On est sadi, et je croise deux ou trois motards, à la différence des jours précédents où ils se firent rares. Il est vrai que je suis sur une belle nationale.

Juste avant de partir, j’ai remarqué q’une piste rentrait un peu plus dans cette Sierra Nevada. J’en ai fait une trace et l’ai chargée dans mon GPS. J’hésite un moment et décide qu’étant seul, je vais rester sur le bitume. Je longe donc cette sierra sur des petites routes viroleuses et agréables qui traversent bon nombre de villages plus ou moins intéressants. Nous sommes sadi et il y a un peu trop de monde à mon goût.

Pause café à Trevélez, village réputé pour son jambon et ses grosses cochonnes. Je confirme…

Je casse une petite croûte à Órgiva, retourne vers l’Est, puis vers le Sud pour rejoindre la Méditerranée.

Je longe la Méditerranée par une nationale assez tranquille. C’est plutôt agréable. Je traverse une petite ville au nom évocateur pour un motard : La Mamola…
Un peu plus loin, la route est barrée par un troupeau d’ovins et de caprins, mais un berger-motard est là, avec ses trois ou quatre clébards pour faire régner l’ordre. Je m’arrête et lui demande par signes si je peux le photographier. Pour toute réponse, il me fait un signe du pouce et un grand sourire édenté. J’adore ce genre de personnage. Avec ses chèvres et sa grosse barbe : un vrai biqueur ! À l’aide de cris, de sifflements et de gestes précis, il se met à parler le chien… et ceux-ci te remettent tout ce bordel d’équerre, bien à droite de la route. Je ne peux être qu’admiratif.

Un biqueur ! un vrai de vrai…

Les serres descendent jusqu’à la mer… Il fait très chaud… Plusieurs endroits me confirment que la misère n’est pas forcément moins dure au soleil…

C’est à Adra que je vais quitter la Méditerranée, remonter vers le Nord, et essayer de retrouver mon camping.

Ce fut encore une journée très chaude, somme toute agréable, mais pas extraordinaire. Un sentiment mitigé sans doute dû à la frustration d’avoir renoncé à la piste de montagne et à l’affluence touristique dans certains petits villages. Je deviens difficile…

Jour 9 - Gromanche 17 jouillé - 250 km prévus

Aujourd’hui, c’est la grosse journée ! non par le kilométrage, puisque c’est la plus courte, mais parce qu’il est prévu de traverser le désert de Gorafe. bon, ce n’est ni le Gobi ou le Kalahari, ni la traversée du Pacifique en planche à roulettes, mais ça reste pour moi et mon niveau en off-road, en solitaire depuis la défection de mes infortunés collègues, et donc sans assistance, une source d’inquiétude. Depuis les premières pistes imprévues de ce début de voyage où j’ai failli me gaufrer et la piste programmée où la baisse de pression des pneus ne m’aura pas empêché de friser la correctionnelle à trois reprises, j’ai une appréhension à m’engager seul et, surtout, avec une meule de ce poids sur toute surface inhospitalière. Ce n’est pas la piste du désert de Gorafe dans sa totalité qui m’inquiète, mais juste une partie, la descente et la montée dans une sorte de cañon. On verra le moment venu… Peut-être rencontrerai-je à l’entrée du désert un ou deux motards pas trop furieux qui voudraient bien de moi et dont je pourrais prendre les roues ?…

C’est parti ! Il est 8h00 quand je quitte définitivement mon camp de base d’Almócita. Mon hôte, pourtant si taiseux, m’adresse un salut chaleureux de son local d’accueil en me criant un truc de genre « Bonne route ! » dans la langue de Jules les Églises. Comme moi non plus je n’ai pas changé, je reprends la même nationale que la veille. Mais avant, il me faut sortir de ce dédale de chemins et de ruelles pour la rejoindre. Mon GPS, lui aussi, est perturbé. Lors des quatre jours dans ce camping, je n’y suis jamais arrivé par le même accès… Ça explique peut-être la faible fréquentation des lieux. Bien que la dernière nuit nous fûmes nombreux, puisqu’un couple d’UK (anciennement GB, à ne pas confondre avec des réfugiés ukrainiens, comme j’ai fait croire à un pote…), aussi pugnace que Grogil, est parvenu à trouver le camping.
Je commence extrêmement fort par une pause café à peine dix kilomètres plus loin. Une terrasse sur une place du village de Fondón m’a tenté.

Fondón.

Un parasol géant me rappelle qu’il va faire chaud.

Je traverse la sierra Nevada dans sa partie ouest. Nous sommes gromanche et, comme la veille, je croise quelques motards espagnols en balade pour la journée.

Je passe le puerto de la Ragua, à 2 000 mètres d’altitude. La fraîcheur ne va pas durer. La descente vers La Calahorra m’offre un superbe panorama sur la plaine.
J’arrive à La Calahorra et aperçois sa Citadelle perchée sur une butte. J’ai rajouté cette citadelle à mon programme à la dernière minute sans avoir rentré dans mon GPS le début de la petite piste qui y mène. Je jardine dix bonnes minutes dans les ruelles du village pour le trouver.

Jardinage citadin.

Voilà ! j’ai trouvé. Je rencontre un berger et son troupeau qui, après que je lui demande par signes, accepte que je les photographie. Je pense qu’il a une procuration du droit à l’image pour ces bêtes.

Votre reporter de guerre, pour vous servir…

Sur son promontoire, avec les belles couleurs du matin, cette citadelle est assez majestueuse. Ne me reste plus qu’à partir à son assaut. Allez, on n’est pas des bikers !

Les vaillant destrier avant l’assaut.

Banzaïïïï !

Au début, dans sa partie plate et rectiligne, cette piste ne présente pas de difficultés pour moi, mais bien vite elle grimpe… bon, là rien de particulier… mais elle tourne en épingle… ça pourrait le faire si elle n’était revêtue de gros graviers… dès la première épingle je me sens obligé de poser doigts de pied à terre… car mon destrier, hormis son poids, est très haut pour ma taille, et à l’arrêt, seuls mes orteils sont en capacité de conserver tout le reste à la verticale… je dois m’y reprendre à deux fois pour franchir cette épingle… la honte ! La deuxième c’est limite… je suis complètement crispé. Je passe les deux dernières à la va-comme-j’te-pousse. Derrière leur meurtrière, les archers espagnols doivent être morts de rire en voyant cet assaillant solitaire et empoté… ça doit jaser sur les créneaux…

J’arrive au pied de l’édifice soulagé, essoufflé et toujours crispé. Je trouve porte close, et vu la lourde en fer, je n’envisage même pas l’effraction. La citadelle n’est ouverte que certains jours pour des visites gratuites, mais ce n’est pas le jour. Je me demande même si c’est mon jour… Néanmoins, cette citadelle est impressionnante, je me sens tout petit. J’essaie d’en faire le tour, espérant découvrir une piste rectiligne pour la descente. On n’est pas à l’abri d’un coup de bol… Que nenni ! Je dois me faire à l’idée de reprendre ces quatre épingles gravillonnées à la descente. Il m’étonnerait que la Macif m’accorde un hélitreuillage, et puis la paperasse… tout ça…

Allez, je me lance et m’élance. Avant chaque épingle, il me semble entendre dans le casque la voix off des reportages à la con : « Et c’est là que survient le draaaaame… » Ma descente est off-roadement pathétique, mais le ridicule, lui, ne tue pas, paraît-il…

Et c’est là que survient le draaaaame…

Arrivé entier en-bas, un couple de touristes espagnols m’arrête pour me demander si la citadelle est accessible en voiture. J’explique à la femelle en anglo-grogilo-espagnol que oui, qu’en bagnole ça passe à l’aise, mais qu’en moto… le mâle, lui, me regarde… Je ne sais ce qui, de ma sudation excessive, de ma crispation ou de mes propos surréalistes, fait qu’ils décident de faire l’ascension à pied… P’tits joueurs, va !

Mes timorés touristes.

Malheureusement (ou heureusement qui sait ?), cette petite piste vient de mettre un terme à mes velléités de traversée du désert de Gorafe qui doit se présenter dans quelques kilomètres.
T’es un gros nul Grogil ! Mais comment ils font sur YouTube ? Tu ferais mieux de rester à la maison à écrire des conneries…

Bientôt dans votre rayon boucherie.

Je bois un bon coup de flotte, déjà chaude dans ma gourde, et reprends mon chemin direction Guadix. Le dieu Garmin a dû m’entendre maudire ces quatre épingles, car il me colle une grande ligne droite bitumée de presque dix bornes avant Guadix. Je tourne un moment dans les rues et ruelles de cette ville pour trouver le point de vue qui va me permettre d’admirer les maisons troglodytiques et leur cheminée blanche, mais walou ! j’ai dû merder pendant la création de mon itinéraire. L’étroitesse de certaines ruelles a raison de mes recherches. Dommage.

Photo récupérée du le Net.

Gorafe ! C’est là que les Athéniens s’atteignirent et que Grogil ronge son frein. Vu l’affluence, il me faudrait un sacré coup de bol pour voir surgir un ou plusieurs hypothétiques collègues d’aventure. Seul, je m’enquille sur la piste pendant un bon kilomètre, je ne sais pourquoi… peut-être pour espérer tomber dès le début sur un passage infranchissable qui justifierait mon renoncement… Bientôt, je fais demi-tour comme un gros manche, et reviens au début de la piste. Là, je tombe sur un couple de Français en Duster avec deux enfants. Je leur fais le coup de mes touristes espagnols précédents, en leur disant que ça passe à l’aise en bagnole, mais qu’en moto… et qu’il serait dommage de ne pas profiter de la piste sur plusieurs kilomètres, du moins jusqu’au point chaud que j’ai noté sur une carte et que je leur montre. Faut pas déconner non plus… Ma famille française se lance à l’aventure et moi je prends la route, un peu honteux, pour longer ce désert qui m’avait tant fait rêver lors de la préparation de mon voyage.

J’y étais, seulement…

Je traverse le village de Gorafe et me dirige vers Villanueva de las Torres. Même par la route, les paysages sont superbes et impressionnants. Que ça doit être beau au cœur du désert ! Je m’arrête pour prendre quelques photos.

J’arrive enfin à Villanueva de las Torres. Il fait très très chaud.

Je m’arrête jouer les stars à la terrasse du Martinez.

Petit moment entre stars…

Panorama sur les hauteurs de Villanueva de las Torres

Je quitte la province de Grenade pour celle de Jaén. Les paysages semi-désertiques laissent progressivement place à des paysages agricoles où le jaune des cultures céréalières est la couleur dominante, parsemé de nombreuses petites taches vert foncé que dessinent les oliviers, chers à Carglass. Si je n’ai pas gagné en fraîcheur, j’ai recouvré ma sérénité en me disant que les pistes sont derrière moi pour aujourd’hui. Des fois, il faudrait que j’arrête de me dire des trucs… car bientôt, comme pour mon troisième jour en Espagne, la petite route sur laquelle je me trouve, au fur et à mesure, se troue, se dégoudronne et disparaît pour devenir piste… Plus de vingt bornes de piste ! C’est pourtant une piste que je pourrais qualifier de facile pour mon niveau, mais je suis crispé et ne peux en profiter pleinement. C’est désert, je ne croise vraiment personne et il fait une chaleur… Il n’y a qu’un abruti de Grolandais pour rouler en moto à cette heure…

Je retrouve la route et une fontaine salvatrice au cœur d’un village. Je bois, je bois, je bois frais… je change l’eau de mes gourdes et trempe mon tee-shirt. C’est bon ça ! Ce linge mouillé va me climatiser un bon moment, presque jusqu’à mon camping de Valdepeñas de Jaén.

D’ailleurs, n’ayant pas pris la piste de Gorafe, j’y arrive de bonne heure, vers 16h00. Trop tôt, car l’accueil n’ouvre qu’à 17h00, et merde… heureusement, il y a un rade tout proche. À l’heure dite, une jeune fille arrive à l’accueil. J’ai eu le temps de consulter les tarifs affichés sur la porte de l’accueil et sur leur site pendant que j’étais au troquet. 17 euros. Pour un camping espagnol, c’est correct. Sauf qu’après m’avoir enregistré, la nénette m’annonce 25 euros ! À l’aide du tarif affiché sur sa porte, je lui refais l’addition et arrive bien à un total de 17. Elle me dit qu’il y a un minimum, et que celui-ci est de 25 euros. Je lui demande où cela est spécifié, en lui montrant l’affichette tarifaire et son site Internet qu’elle a sur son écran. Ça y est, trop tard, le Grogil part en live, délaisse les bribes de Cervantes ou de Shakespeare qu’il pense maîtriser pour utiliser le jargon qui lui est propre, fait d’argot et de néologismes… « C’est quoi c’bordel ? Vous m’prenez pour un Amerloque ? Une truffe ? Vous m’faites à bouffer pour c’prix là ? Z’êtes des voleurs ! des bandidos ! » C’est marrant comme la barrière de la langue peut tomber quand l’intonation et l’émotion prennent le dessus… Me voyant bien fâché, elle m’applique le tarif d’urgence spécial « Francés enojado » à 17 euros. C’est ma petite victoire du jour… Non mais ! Ne supportant pas me faire enfler, je n’aime pas non plus engueuler une ou un employé qui n’y est pas pour grand-chose. J’arrive à lui faire comprendre que ce n’est pas à elle en particulier que je m’adressais. Nous nous séparons avec des sourires sincères et je file planter ma tente.

Après la douche, ça recommence… j’ai les pieds et les jambes qui me démangent… Il y a quelques jours j’ai remarqué l’apparition d’espèce de petits boutons et de rougeurs sur ceux-ci. Laissant mes bottes à l’extérieur la nuit, j’ai pensé que des bestioles y avaient élu domicile. À l’intérieur des bottes je n’ai rien vu. Sans doute des insectes microscopiques, à l’exception de puces de lit puisque je n’ai pas de lit, et de termites puisque je n’ai pas de jambe de bois. Je me suis dit que, à raison de huit heures par jour, dans les bottes et avec mes pieds, par 60° C derrière les cylindres, les bestioles allaient crever avant le bonhomme… Ce soir, je commence à douter de mon pronostic. En apnée, je vérifie de nouveau dans mes bottes, mais n’y trouve âme qui vive, ni qui remue… Le pire, c’est qu’en plus des boutons et des rougeurs, sur le bas d’une jambe j’ai la peau toute sèche… Du coup, on dirait la trompe d’un éléphant pubère à l’acné juvénile… Là, il va peut-être falloir faire quelque chose avant de devenir Elephant Man…

Jour 10 - Lendi 18 jouillé - 290 km prévus

Départ tôt ce matin, vers 6h30, puisque j’étais levé et que le portail du camping était ouvert. Je me dis que c’est tout de même bien de plier une tente sèche… De par la chaleur, les journées sont éreintantes, mais ça fait plus de dix jours que je ne me soucie plus de la météo. Toutes les prévisions, depuis mon départ, affichent des ronds jaunes.
La relative fraîcheur et les couleurs rendent ce début de matinée de moto bien agréable.

Ce lendi, à cette heure matinale, seuls les clébards semblent réveillés.

Soudain, à la sortie d’un virage, quelle n’est pas ma surprise en voyant surgir un nibard géant !

Passé ce sein suspect, je me retrouve à Lopera… si, si… point de Carmen, mais un beau château.

Château de Lopera.

Aujourd’hui il fait chaud, très chaud… sans doute la journée la plus chaude depuis mon départ. Les paysages sont sympa, sans être exceptionnels.

Tiens, des collègues…

Quand je vous dis qu’il fait chaud…

Je contourne Cordoue d’Est en Ouest avec un rayon d’environ vingt-cinq bornes. Au dernier moment, je renonce au camping que j’avais prévu. Je ne sais pourquoi, sur le papier je ne le sens pas… Je continue sur l’itinéraire du lendemain et en trouve un à La Carlota. Un truc assez moyen où, comme dans beaucoup d’autres, les tentes sont reléguées au fin fond du bouzin, laissant la place aux mobile-homes, bungalows, caravanes et autres camping-cars. Néanmoins, le fin fond du camping est vaste et les campeurs sous toile inexistants, je suis donc peinard.

C’est après une bonne douche bien fraîche que survient le draaaaame… ça commence par une légère démangeaison des pieds et des jambes, puis, après une heure, ça devient sérieusement démangeant… et enfin, ça tourne au besoin irrépressible de me gratter. Je n’y vais pas avec les mains, au risque de me dépouiller… Je me gratte avec les pieds… et en plus, j’ai l’impression d’avoir les guiboles et les pinceaux bouillants. C’est quoi ce binz ?! Demain, à défaut de toubib, je m’arrête dans une pharmacie, c’est sûr, y a urgence… je file aux douches m’asperger le bas d’eau froide. Après un brève sensation de mieux, ça recommence… pour ne rien arranger, il est 21h00, et il fait 34° C… Après un certain temps, je retourne aux douches… En revenant, par curiosité, je fais une recherche Internet pour voir s’il y est question de « podovulcania » ou d’un truc du genre… Je tombe effectivement sur des sujets traitant de démangeaisons qui peuvent apparaître avec la chaleur, des boutons, des plaques, une sécheresse de la peau, de l’eczéma, de l’urticaire, etc., enfin toute une liste de symptômes dermatologiques… Putain, après lecture, j’ai l’impression de tous les avoir… Il est 2h30 ! je retourne m’asperger les pieds aux douches… Quelle nuit de merde !

Jour 11 - Môrdi 19 jouillé - 250 km prévus

Malgré une courte nuit, je me lève relativement tôt. Hier, focalisé sur mes démangeaisons, je n’avais pas trop remarqué que le cul du camping était si proche de la nationale qui relie Cordoue à Séville… et d’un hôpital ou une caserne de pompiers ou de flics, car les sirènes des véhicules d’urgence ont gueulé une bonne partie de la nuit. Pas le pimpon à la française… mais le truc à l’américaine… qui te donne envie de trouver la télécommande pour zapper sur Arte… Ça me rappelle la banlieue de Belfast où j’avais eu la bonne idée de passer la nuit près d’une caserne de flics. La bonne nouvelle est que mes pieds ne me démangent plus.
Cette journée ne s’annonce pas très bornée et c’est tant mieux ! d’autant que des deux cent cinquante bornes prévues, je peux y soustraire une bonne vingtaine effectuée hier.
À quelques kilomètres de mon camping, je traverse La Carlota. Une avenue séparée par de nombreuses terrasses me fait regretter de ne pas y avoir fait un tour hier soir, ça devait être animé. On ne peut pas sortir et se gratter, il fallait faire un choix…

La Carlota.

Je continue mon chemin parmi les oliviers, en plaine. L’état craquelé de la route me fait songer à celui de mes jambes…

Arrivé à Cabra, je m’autorise une pause café sur une terrasse pleine de fraîcheur. J’en profite… j’ai le temps et la journée risque d’être encore très chaude.

Cabra.

Sans signes avant-coureurs, je me retrouve en Rute… car ici, on dit bien « en Rute », comme « en Arles » ou « en Avignon »…

Plus loin, l’envie me vient de m’écarter de mon itinéraire pour descendre vers l’embalse (retenue d’eau) d’Iznájar par une piste. Je sais, je ne devrais pas… mais la piste est bien damée et me met en confiance. Je roule plusieurs kilomètres au milieu des oliviers, mais la piste a tendance à se dégrader, je fais demi-tour.

Je continue ma cuisson à feu doux…

Loja.

Un peu plus loin, je ne sais pourquoi, mon GPS veut me faire prendre un tronçon d’autoroute. Plutôt que de nous fâcher, nous négocions et trouvons un terrain d’entente, en une petite route qui longe l’A92 pour, un peu plus loin, passer sous celle-ci et me faire retrouver le bon itinéraire. Un tout-terrain d’entente serait plus juste, car subitement, après un tunnel, je me retrouve sur une piste en pleine peupleraie. Je reste très vigilant, car il y a de nombreuses ornières, et certaines sont boueuses. Si, si, c’est possible…

Après quelques kilomètres, je regarde le GPS et constate que je devrais bientôt retrouver le bitume, mais ce que je ne remarque pas sur l’écran, c’est le petit trait bleu qui traverse la piste… En effet, à la sortie de la peupleraie, je tombe sur un gué. Mon premier ! Pas le truc islando-YouTubesque, non, non… juste ce qu’il peut rester d’une rivière andalouse au mois de juillet. Je vais tout de même vérifier à pied la profondeur. Pfff, de la rigolage… Alors là, je ne sais pas ce qui me prend… peut-être la chaleur… ou pour me venger de toutes les pistes où je me suis dégonflé… je remonte en selle et m’emmanche dans le truc comme un bourrin… enfin, le poney à Candeloro, car je glisse de droite à gauche… J’ai presque passé l’obstacle… mais il y a une sorte de marche en béton à la sortie du gué que seule la roue avant franchit, quant à l’arrière, elle veut dépasser l’avant, et la physique étant ce qu’elle est : « Descendez, on vous d’mande ! »

La loi de la pesanteur est dure, mais c’est la loi.
Georges Brassens

On aurait pu croire, en l’voyant penché sur l’onde,
Qu’il se plongeait dans des méditations profondes
Sur l’aspect fugitif des choses de ce monde…
Corne d’Aurochs.
C’était hélas! pour s’assurer, ô gué! ô gué!
Qu’le vent n’l’avait pas décoiffé, ô gué! ô gué!
Il avait nom Corne d’Auroch, ô gué ! ô gué !

Georges Brassens

Ce n’est pas tout ça… Je remets la roue avant dans l’eau, au même niveau que l’arrière. Putain, ça glisse… et qu’il fait chaud ! Je déplie la béquille latérale et tente de redresser la meule. J’y suis presque… J’abandonne… en plus, j’ai fait le plein il y a peu… en attendant de refaire une tentative sans les bagages, je déblaie le terrain en virant les pierres susceptibles de me compliquer la tâche ultérieurement et retire tous les bagages, sauf la valise droite qui repose au sol. C’est alors que je vois arriver un petit 4×4 Suzuki avec à son bord un jeune et son petit frère. Le mec me salue et, pensant peut-être que je prenais un bain de pieds ou lavais la meule, commence à se barrer… Je lui fais de grands signes de détresse. Il s’arrête, percute (dans sa tête) et vient à mon aide. À deux, sous les yeux ébahis de son petit frangin, nous parvenons à sortir l’enclume, non sans mal. Je n’ai jamais autant aimé les jeunes, surtout les Espagnols. Ne sachant comment les remercier, je leur propose vingt euros, pour aller boire un coup, leur dis-je par gestes. Ils refusent catégoriquement en me criant des « Amigo ! Amigo ! » Bon, ben, amigo alors… Me retrouvant seul, je remets mes bagages et vide une gourde d’eau chaude.

Remis de mes émotions, je continue mon chemin sur de petites routes en bravant tous les interdits…

J’arrive à mon camping de Pantano de los Bermejales où, juste après mon enregistrement, je m’installe au bar pour y boire un grand truc frais. Comme la veille, on me relègue au fond du camping réservé aux tentes. Le camping est assez grand et je traverse des sortes de ruelles bordées de caravanes à demeure.

Après ma douche, je me rends compte que j’ai oublié de m’arrêter dans une pharmacie. J’espère vraiment que mes pieds et mes jambes vont moins me démanger. Je me rappelle que j’ai emporté de la crème solaire Nivea, pour la tronche. À défaut de grives on mange des merles… je m’en tartine des orteils jusqu’aux genoux, et ça semble faire son effet…

Jour 12 - Credi 20 jouillé - 300 km prévus

Je reconnais que mettre de la crème solaire pour la nuit n’est pas banal, il n’en reste pas moins que ça semble avoir eu un effet hydratant bénéfique. Je n’ai ressenti ni démangeaisons ni sensations de brûlure. Il suffit d’appeler ça « crème lunaire » et ça roule…
En principe, quand je m’enregistre dans un camping qui présente une barrière à l’entrée, je demande à quelle heure je pourrai m’évader le lendemain matin. Quelques fois, elle n’est pas verrouillée et il me suffit de l’ouvrir, d’autres fois je dois attendre 8h00, et ça, ce n’est pas pour m’arranger. Ce matin, ça ouvre à 7h00. J’en profite… Direction plein Ouest afin de rejoindre mon camp de base pour deux nuits à l’ouest de l’Andalousie, en dessous d’Arcos de la Frontera.
Peu après mon camping, je repasse sur le barrage de l’embalse de los Bermejales ¡ Los colores son mágicos ! Je m’arrête pour prendre quelques photos. C’est calme… Je n’entends que le trissement des hirondelles.

Ces demoiselles sont matinales…

Ce début de matinée se déroule sur des routes de plaine aux paysages vraiment plaisants, où le jaune et le vert dominent.

L’ombre del hombre…

Le revêtement n’est pas toujours parfait…

Une belle zone de maraîchage prouve qu’en Andalousie on sait faire autrement qu’en serres et de manière intensive…

J’arrive dans le parc naturel de Torcal de Antequera en fin de matinée. C’est un impressionnant paysage karstique, c’est-à-dire un terrain qui, il y a plus de deux cents millions d’années, était recouvert par la mer. À cause de l’entrechoquement de deux plaques tectoniques, ce terrain a émergé de l’eau au cours d’un long processus, voilà pourquoi on y découvre actuellement des fossiles marins de très grande valeur. Les facteurs météorologiques comme l’eau, la glace et le vent sur les pierres calcaires ont façonné ce paysage spectaculaire.
Mes problèmes physiques, suite à un grave accident de moto, m’empêchent d’aller vadrouiller plus en profondeur dans ce décor magnifique. C’est frustrant… Je fais donc quelques photos de la surface…
La fraîcheur relative du début de matinée a disparu et dorénavant ça cogne !

En début d’après-midi, sur une petite route, je commence à croiser bon nombre de personnes à pied, puis plusieurs cars de touristes. Il doit y avoir un truc renommé, à voir ou à faire…

Soudain, j’aperçois au loin un pont qui relie deux falaises et surplombe un cañon, puis une pancarte m’indique que j’entre dans le parc naturel du desfiladero de los Gaitanes. Ça me revient… j’ai vu ça sur le Net… Un défilé de trois kilomètres comportant un parcours pédestre vertigineux à flanc de falaise qui se fait sur une passerelle : el Caminito del Rey (le chemin du Roi). Ce parcours comprend également des grottes abritant des peintures rupestres.

Desfiladero de los Gaitanes et son Caminito del Rey.

 

Je poursuis mon chemin sur des routes agréables, mais sous une chaleur accablante. J’arrive à Ronda et gagne le centre pour aller voir le vieux pont. Il y a beaucoup trop de monde à mon goût, et sous ce cagnard, je n’insiste pas…

Menteurs !

Ronda.

J’arrive à Arcos de la Frontera, une belle ville blanche perchée. J’hésite à y grimper avec mon Belouga chargé. Chat noir échaudé… tout ça, tout ça… Je commence à être bien fatigué et préfère rejoindre mon camping de San José del Valle, un peu plus au sud, sur le bord de l’embalse de Guadalcacín, où j’ai prévu d’y camper deux nuits. Malheureusement, arrivé sur place, je tombe sur un truc totalement fermé, en décrépitude apparente. Des barrières de chantier en bloquent l’accès. Et merde… Encore une victime de la Covid ? Je me gare et commence à consulter les autres possibilités qui s’offrent à moi. Pas grand choix… le prochain est à presque cinquante bornes. Remerde… Quand soudain, surgit un grand échalas, mais non moins andalou… D’où sort-il ? Il me dit qu’il y a bien la possibilité de camper. Je lui demande s’il y a des douches… il me répond que oui et me dit de le suivre, ce que je fais pendant un bon cinq cents mètres. Il n’y a personne, hormis un anglais et sa fille qui plantent leur tente. Son bouzin est fermé et totalement à l’abandon. L’échalas m’indique un tarif de treize euros la nuit. La « patronne » passera à 20h récolter son dû… Quelle organisation ! Il ouvre l’eau des sanitaires spécialement pour nous trois…
Je plante ma tente et pars aux douches. Je m’attends au pire… Les sanitaires sont bien déglingués, mais propres… quant à la pression, ce n’est qu’une impression… On fera avec… sauf pour les chiottes où je dois m’y reprendre à plusieurs reprises pour ne laisser aucune trace de mon passage…
L’avantage est que c’est calme, très calme… La vue sur l’embalse est assez sympa. En fait, c’est un bivouac avec des sanitaires à la faible pression d’eau. La « patronne » ne passera pas ce soir. Avec un peu de chance, je vais m’en tirer et me tirer à moindres frais…

Embalse de Guadalcacín.

Les doigts de pied en éventail, puisque c’est la région qui veut ça…

Jour 13 - Joudi 21 jouillé - 315 km prévus

Ce matin, pas question de barrière fermée. Je peux partir tôt, il me suffit de contourner les trucs de chantier à l’entrée du « camping ».
Hier au soir, j’ai consulté la météo, plus par acquit de conscience… car depuis le début je n’ai que du soleil, trop de soleil… et bingo ! il est prévu de la flotte en matinée. De quoi bâcher, mais rien d’irlandais…
Aujourd’hui, c’est la journée la plus méridionale de mon voyage, puisque je descends vers Gibraltar. Je vais chatouiller l’Afrique. C’est plus par curiosité, pour la symbolique et en souvenir de mes cours élémentaires de géographie que je m’y rends, que par un désir impérieux. Malgré les prévisions météorologiques, je commence ma journée sous le soleil et sur des routes au revêtement piégeux. Je reste concentré, car c’est très bosselé et plus que lézardé, voire crevassé par endroits.

Entre les crevasses, ils m’ont mis des vaches…

Je réalise soudain que je viens de franchir la faille de San Andreas et traverser Los Angeles…

J’arrive enfin vers Gibraltar. Je ne peux pas me gourer, j’aperçois son grand rocher si caractéristique. Je m’en rapproche en longeant la mer, par un remblai où la circulation se densifie.

En face c’est Algésiras.

Grâce au rocher, je pensais ne pas pouvoir me gourer… et bien si ! Je me retrouve dans une zone portuaire interdite aux clampins comme moi et me fais vite jeter par deux lascars en gilets fluo. J’adopte un air niais au sourire crétin, généralement ça marche… Néanmoins, je ne m’éternise pas dans le secteur. J’ai dû louper l’embranchement pour rejoindre la douane. Je vois un motard et lui fais comprendre, toujours par gestes, que je désire faire le tour du rocher. C’est un petit bonhomme tout nerveux avec une petite kawa verte. Avec son casque sur la tête, il me fait penser au mec d’une vieille pub Orangina… Comme on a du mal à se faire comprendre, il me demande de le suivre. Je m’exécute, mais il s’arrête et descend de sa meulette cent mètres plus loin et commence un festival au milieu de la route, à base de gestes et d’onomatopées. Je commence vraiment à me demander si ce n’est finalement pas le mec de la pub… Ok, ok, je comprends qu’il veut me faire prendre le passage piéton, puis traverser le trottoir afin de rejoindre la file de bagnoles juste avant le poste douanier. Je ne vais pas le contredire… Je le remercie, le salue et mets en application ses explications. Arrivé près de la douane, je réalise que Señor Orangina m’a fait griller une sacrée file de bagnoles.

Por aquí…

¡ Vroum, vroum !

Mon raccourci ne semble pas plaire à tout le monde…

J’espère pouvoir entrer en territoire britannique avec juste ma carte d’identité. Avec le Brexit, il faut s’attendre à tout… Les douaniers semblent contrôler au moins un véhicule sur deux. Ai-je conservé mon air niais et mon sourire de présentateur télé depuis la zone portuaire et le passage piéton ? toujours est-il que ça passe comme dans du beurre… Bonne nouvelle : ils roulent à droite… En revanche, le trafic est important et il y a plein de gros travaux.

Un couvreur gibraltarien (de rien, qui ne regrettait rien) s’est servi de la brêle de son arpète portugais comme support de gouttière. Fallait oser…

J’arrive enfin à la pointe Great Europa. Ça me fait drôle de penser qu’à ma gauche c’est la méditerranée, en face l’Afrique, à ma droite l’Atlantique et derrière l’Europe.

Ça tire à boulet rouge…

Je quitte la pointe et veux rejoindre le port, mais je me goure et me retrouve dans les embouteillages du centre. Ça me gonfle ! Je ne souhaite qu’une chose : sortir de ce merdier… Basta les singes et le rocher ! ça se fluidifie un peu… alors que je roule sur une grande avenue, un feu passe au rouge et une barrière se baisse. C’est quoi ce bordel ?! Je vois plein de mecs en gilet fluo s’affairer un peu partout… Après quelques minutes, j’hallucine… un avion easyJet me passe sous le nez… Un aéroport traverse l’avenue ! L’avion repasse dans l’autre sens, en phase de décollage… « T’y crois toi ? » dirait mon n’veu. La barrière se lève, le feu passe au vert, et tout le monde repart, comme si de rien n’était. (J’apprendrais plus tard que l’aéroport international de Gibraltar est classé comme l’un des plus dangereux au monde.)

Pince-moi.

Je me retrouve à la douane, derrière un scooter, et là, c’est pas la même. Deux douaniers espagnols auscultent méticuleusement l’engin et le conducteur. Les poches, le topcase, sous la selle, les papiers, l’immatriculation, etc. ça dure, ça dure… assez longtemps pour me laisser le temps de me rappeler mes baskets pourries dans ma valise droite… Quand t’ouvres la valoche, t’en ramasses plus avec le nez qu’avec une pelle… deux fois que je les lave depuis le départ, pas mes valises, mes pompes, et rien n’y fait. Si le pandore me demande  d’ouvrir cette boîte de douanier, je suis mort… je tombe pour terrorisme olfactif… s’ils font venir un clébard, c’est pour mauvais traitement envers animal que je tombe… Allez, air niais et sourire télévisuel… ça passe… Grogil passe… (ultérieurement, je lirai qu’il n’est pas rare que les douaniers espagnols se plaisent à emmerder les Gibraltariens, et en l’occurrence, le scooter arborait un GBZ).

Moment de solitude et de vérité.

Ils ouvraient ma valoche, je prenais à droite…

Je contourne Algésiras pour rejoindre Tarifa, ville la plus proche des côtes marocaines. Ça semble très joli… la foule, la chaleur et mes problèmes physiques me font renoncer à une visite en profondeur. À travers la brume de chaleur, je distingue les reliefs marocains. Ce sera ma première frustration de la journée, car il en faut bien une.

Tarifa.

Tarifa.

Je continue en remontant vers le Nord, sur une route bordée d’éoliennes. Elles ne sont pas là par hasard… c’est un couloir très venteux qui m’oblige à rouler incliné et à bien tenir le guidon.

Je me tâte et décide d’aller voir el castillo de Gigonza. Je me tâte, car on y accède par une piste… la piste s’avérera bien damée et sans difficulté. En revanche, le bouzin est fermé. Les visites ne se font que certains jours, à certains horaires. Deuxième frustration de la journée, moindre que Tarifa néanmoins.

El castillo de Gigonza.

La machina de Grogil.

Je regagne tranquillement mon « camping » de San José del Valle. Tranquillement, faut l’dire vite… car environ cinq kilomètres avant d’arriver, je me fais une frayeur. Il fait chaud, j’ai quelques bornes dans les pattes, ça sent l’écurie… bref, je suis ni concentré ni attentif… un virage me traverse devant ! freinage d’urgence… je doute que ça passe… il y a un chemin de terre droit devant… en un centième de seconde, je décide de tirer tout droit… je finis le freinage avec l’arrière. Waouh ! comme dans les films… d’habitude, dans ces cas-là je me vautre. Je me traite intérieurement d’abruti pour mon manque de concentration et de génie du pilotage pour mon réflexe salvateur, c’est paradoxal. Je reprends le virage pour voir comment j’ai pu me louper aussi grossièrement, et en profite pour allumer la GoPro.

J’arrive à mon « camping ». Mes Anglais sont toujours là. Direction la douche et son goutte à goutte. Arrivent 20h et un jeune en 125 qui vient directement me voir. C’est l’émissaire de la « jefe ». Il me réclame gentiment vingt-six euros. Il est sympa et je ne râle pas. J’ai presque de la compassion pour leur affaire tombée en désuétude. Il reconnaît que le bouzin était déjà bancal avant la Covid. Tu m’étonnes… pour finir, on parle moto, dans une langue qu’on crée pour l’occasion.

Jour 14 - Credi 22 jouillé - 300 km prévus

De bonne heure, alors que je plie ma tente, je vois débouler un jeune avec une grosse poubelle. Encore un émissaire de la « jefe » ? Qu’est-ce qu’il bricole ? Il se met à ramasser des trucs à terre qu’il met sans sa poubelle. Ma curiosité est trop forte. Je vais le voir. Il parle un peu anglais et m’explique qu’il ramasse des gousses de caroube. Des sortes de haricots qui poussent dans un arbre, le caroubier. Je lui dis que j’en ai déjà mangé au Portugal. Il se marre et me dit qu’effectivement, au Portugal ils en mangent, mais qu’en Andalousie c’est pour le bétail… Je le félicite de sa vanne en levant le pouce. Desculpe !
Allez, zou ! Direction le Nord-Ouest afin de rejoindre Aracena, dans la province de Huelva, et demain passer la frontière portugaise. Peu après mon camping, je repasse à Arcos de la Frontera. Sous les lumières matinales, cette ville est superbe, perchée sur son piton rocheux.

Arcos de la Frontera.

Puis viennent les plaines céréalières en direction de Séville.

J’arrive dans la magnifique capitale andalouse en début de matinée, mais ne fais que la traverser… pour y avoir déjà passé une journée, je sais qu’il faudrait plusieurs jours pour apprécier une bonne partie des trésors qu’elle recèle.

Séville.

Je lui privilégie, à une soixantaine de kilomètres plus à l’ouest, le petit village d’El Rocío. J’ai découvert cet endroit bien singulier, au parfum de Far West, en élaborant mes parcours andalous. C’est une fois rentré à la maison, bien au frais, que j’en apprends beaucoup plus sur ce village qui mérite vraiment le détour…

A posteriori : El Rocío, chaque année à la Pentecôte, est le lieu de la plus populaire des manifestations religieuses d’Andalousie, d’Espagne, voire d’Europe. La Romeria de El Rocío, en hommage à la Nuestra Señora de El Rocío, appelée également Blanca Paloma, peut drainer plusieurs centaines de milliers de pèlerins.

J’ai d’abord hésité à le mettre à mon programme, craignant une fois de plus à un piège à touristes, un bouzin artificiel. Que nenni !
Ma succincte documentation préparatoire, essentiellement photographique, m’a néanmoins appris que les rues de ce village sont ensablées, et « bien m’en apprit »… car, avec ma meule chargée, c’est certain, j’aurais été l’attraction (arrière et avant) du bled… C’est donc par anticipation que je laisse mon cheval en entrée de ville… ¡ Qué calor ! Dès les premières rues, je suis dans le bain… avec toutes ces vérandas devant les maisons et ces balustres pour attacher les chevaux, j’ai soudain des acouphènes d’Ennio Morricone… Beaucoup d’habitations semblent fermées. La raison en est que beaucoup appartiennent à diverses confréries. Néanmoins, c’est un lieu de vie, puisque j’y trouve une école et divers bâtiments administratifs.

Après m’être arrêté dans un saloon andalou, j’arrive sur une grande place ensablée où il y a déjà plus de monde. Et pour cause, puisque s’y trouve Notre Dame d’El Rocío qui renferme la Blanca Paloma. Heureusement, nous ne sommes pas à la Pentecôte… Bien que ce doit être impressionnant, toutes ces processions religieuses, et la dévotion en général, tout comme les dentistes, me foutent les jetons… Même aujourd’hui, il y a trop de monde pour moi, et je ne rentre pas dans ce pigeonnier géant pour aller voir la Blanche Colombe.

De cette place émane une ambiance particulière, avec ses chevaux et leur calèche andalouse, ces bâtiments blancs, son sable… et les marais du parc national Doñana qui la bordent. À vivre…

Ravi de ma visite, malgré le cagnard, je regagne Jolly Jumper par les rues pittoresques de ce village.

Au trot, puis au galop, je file plein Nord. Je m’arrête bientôt, à l’ombre, dans la petite ville d’El Madroño. J’en profite pour boire l’eau chaude de ma gourde et manger les trois pêches qu’il reste dans ma valise gauche, pas celle de mes pompes… Un mec vient me voir. Nous avons un peu de mal à nous comprendre. Je saisis néanmoins qu’il est motard et qu’il roule en 1250 GS. Il me demande où je vais. Je lui montre ma carte, c’est plus simple. Il me dit que c’est beau, en me montrant au loin une montagne bizarre. Il me dit également qu’il est le médecin du bled et que si j’ai besoin de quoi que ce soit… Ai-je si mauvaise mine ? Je lui ferai bien voir mes pieds et mes jambes, mais avec ma crème lunaire ça va beaucoup mieux. Nous nous saluons et je continue ma route.

El doctor devant son cabinet.

Un peu plus loin, j’arrive près de la montagne bizarre que le toubib me désignait.Il s’agit en fait d’une mine à ciel ouvert, l’une des plus grandes au monde ! La mine de Ríotinto. Décidément, ma documentation préparatoire n’est pas à la hauteur. Ce n’est qu’à la maison, toujours au frais, comme pour El Rocío, que je réaliserai l’importance de ce site.

La montagne bizarre.

A posteriori : le Río Tinto (fleuve rouge) est un fleuve qui prend sa source dans la sierra Morena, parcourt quatre-vingts kilomètres vers le Sud, avant de se jeter dans le golfe de Cadix, près de Huelva. Sa couleur rouge est due à sa haute teneur en éléments minéraux qui contiennent des sulfures de métaux : du fer au cuivre. Par oxydation au contact de l’air et de l’eau certains minéraux sulfurés métalliques produisent de l’acide sulfurique qui rend solubles les métaux (fer, métaux toxiques, mercure, plomb). Par ailleurs, des microorganismes (bactéries extrêmophiles) vivant dans ce « cocktail » toxique contribuent à leur tour à l’acidification des eaux. Les eaux de ce fleuve présentent une acidité exceptionnelle (pH compris entre 2 et 2,5) sur son cours, cela a intéressé les scientifiques. Du point de vue minéralogique, ce bassin minier du Río Tinto n’est pas sans rappeler les conditions qui prévalent sur la planète Mars, ce qui a  mobilisé la Nasa dans une recherche d’exploration et d’utilisation du site.
Les premières exploitations du bassin minier de Ríotinto datent de plus de deux mille ans. Lors des derniers siècles, les exploitations ont été menées par des galeries de mines horizontales et des mines à ciel ouvert. Parmi ces dernières on trouve la mine de Peña de Hierro, aujourd’hui sorte de cratère comblé par un lac de vingt-cinq mètres de profondeur entouré de longs murs en gradins circulaires. De même La Corta Atalaya, gigantesque gouffre artificiel de trois cent cinquante mètres de profondeur (un kilomètre de long sur un kilomètre de large) cerclé de gradins emboîtés forme une des plus grandes mines à ciel ouvert de la planète. Des milliers de tonnes de minerais de fer, de cuivre et d’autres métaux nobles (argent, or) ont été extraites de ce complexe minier.
Le 4 février 1888, peu après l’arrivée du nouveau directeur général, William Rich, nommé par de nouveaux actionnaires de l’entreprise Rio Tinto, essentiellement londoniens, une manifestation de mineurs et d’agriculteurs qui protestaient contre les fumées des teleras (système de calcination du minerai en plein air) et les conditions de travail misérables fut réprimée par l’armée. Bien que le gouvernement central et la compagnie minimisèrent l’événement, l’on estime à plus de deux cents le nombre de morts. Ces faits sanglants sont connus dans la province de Huelva sous le nom d’« année de la fusillade » (año de los tiros). [extraits issus du Net.]

Le Río Tinto. Photo issue du Net.

La mine de Ríotinto. Photo issue du Net.

Juste après la localité de Ríotinto, la route traverse la mine à ciel ouvert. C’est gigantesque ! bien que debout sur mes cale-pieds, je reste sur le cul… la mine traversée, je fais demi-tour pour refaire un tour de manège. Malheureusement, je ne trouve pas d’endroit pour m’arrêter prendre des photos.
Plus loin, la route passe entre les embalses de Gossán et del Agua. Les couleurs sont surréalistes ! À ma gauche l’eau est rouge, à ma droite bleu-vert… les berges d’un ocre jaune… Je n’ai jamais vu une chose pareille. Comme pour la mine un peu plus tôt, je refais un tour, et comme précédemment, les barrières de sécurité m’empêchent de m’arrêter. Sur le coup, je suis quelque peu dégoûté, je pense que ces couleurs émanent d’une pollution due à l’activité minière, d’autant que la végétation proche de l’eau n’a pas l’air en forme…
Ce n’est qu’ultérieurement, une fois le voyage terminé, que viendra la frustration de ne pas avoir découvert plus profondément cette région. Si je retourne en Andalousie, ce sera sans aucun doute un des lieux que je privilégierai.

À ma gauche l’embalse de Gossán, à ma droite l’embalse del Agua.

Embalse de Campofrío.

C’est vers 16h00 que j’arrive dans mon camping, près d’Aracena. Bien ombragé, mais pas donné… en plus, c’est rempli de scouts… pas ceux des banlieues, mais aussi envahissants et bruyants…

Jour 15 - Sadi 23 jouillé - 385 km prévus

Je me réveille de ma dernière nuit en Andalousie. Pas la meilleure… je ne suis parvenu à m’endormir qu’assez tard, grâce à mes bouchons d’oreilles, avec une grosse envie de scouticide et de génocide de louveteaux… J’ai « profité » jusqu’à plus d’heures de leurs chants et leurs jeux à la mords-moi-le-nœud… Maudit soit Baden-Powell qui créa cette engeance militaro-cléricale à l’accoutrement ridicule et au répertoire musical discutable… moi qui étais venu pour le flamenco…
Je vais donc quitter l’Andalousie aujourd’hui, dans sa partie ouest, par la province de Huelva. Déjà… Mon sentiment est mitigé. C’est avec un certain regret que je laisse derrière moi cette région magnifique dont je sais n’avoir découvert qu’une infime partie… et avec enthousiasme que je vais retrouver le sud du Portugal, l’Algarve, où je suis déjà venu plusieurs fois. Je suis à la moitié de mon voyage. La chaleur et les kilomètres se font de nouveau ressentir. Je décide, juste avant mon départ, de supprimer de mon itinéraire du jour la boucle prévue dans la sierra de Aracena et les Picos de Aroche. Je vais rejoindre, à l’Est, Cortegana.

Almonaster la Real.

Cortegana.

Rosal de la Frontera, où je quitte l’Andalousie sous les vivats d’un public conquis par mes cascades… « ¡ Otra, otra ! »

Portugal 1 km ! Merde… je suis déjà au Portugal depuis au moins deux kilomètres et n’ai pas vu la frontière. Je fais demi-tour pour pouvoir graver dans la GoPro la matérialisation de ce passage. Si l’espace Schengen à des avantages, il n’a pas celui de tailler les arbustes… La pancarte était bien planquée.

Espace Schengen, espace vert…

Bien qu’à l’ombre et vieillissant, le public portugais n’en reste pas moins chaleureux… « Bem vindo Grogil ! »

Outeiro da Vila, premier village portugais, je m’arrête boire un café et une água com gás.

Je poursuis ma descente vers le Sud par des petites routes sinueuses et bien agréables. Le paysage et l’architecture ont changé, je suis bien au Portugal… La chaleur commence à se faire ressentir, à tel point que les chênes-lièges se sont mis en short…

Photo issue du Net.

Corte do Pinto, province d’Alentejo.

Je m’accorde une nouvelle pause dans la belle ville de Mértola. Perchée sur une colline, elle domine le fleuve Guadiana. Les rues pavées, les maisons blanches aux touches de bleu et de jaune, les azulejos… il émane de cette cité, au passé musulman, le charme portugais que j’ai grand plaisir à retrouver.

Château fort du XIIIe siècle.

Le Guadiana.

Si je doutais encore être entré au Portugal…

Il fait très chaud ici aussi. Je continue ma descente plein Sud, vers l’Atlantique.

Malgré la température, il semblerait que ça caille dans le bus…

J’arrive à Fuseta, un village de pêcheurs sur la ria Formoza (un ensemble de lagunes de 60 km de long qui sépare la côte de l’Atlantique) où je suis déjà venu deux étés, il y a une dizaine d’années, avec ma femme et mes filles. C’est un peu la nostalgie qui me fait revenir ici… la saudade devrais-dire… Il y a un monde fou ! Je réalise que nous sommes sadi. J’ai prévu de passer deux nuits au camping municipal. Malheureusement, arrivé devant la grille, je peux lire un « completo »… Pas besoin d’être lusophone pour comprendre que c’est mort… Comme on n’est pas à l’abri d’un coup de bol, je tente une négociation. Nada ! Peau de balle ! Je vais devoir trouver un autre camping.

Grogil en pleine négociation…

Grogil dégoûté completo…

Je jette mon dévolu sur le camping d’Olhão, à une dizaine de kilomètres. Purée ! c’est vraiment un camping de bord de mer, comme je les fuis, un truc géant. Pour ne pas changer, on m’indique le cul du camping réservé aux tentes. En plus, je ne peux pas mettre la moto à côté de celle-ci. Il est 16h30, je déballe tout et plante la guitoune en musique, ou plutôt en boucan… car d’un côté, à une vingtaine de mètres, il y a une toute une équipe d’Espagnols en pleines grillades qui ont mis du flamenco à fond, et de l’autre, toujours des Espagnols, avec une sorte de rap-électro autotuné insupportable. La nuit s’annonce douce… j’en viens presque à regretter mes louveteaux de la veille. Je file à la douche et fais ma lessive. Voilà, ça c’est fait…

Je décide de retourner à Fuseta pour la soirée et casser une graine à la terrasse d’un petit resto de ma connaissance, sur le port, qui, si rien n’a changé, fait des grillades délicieuses, et sans flamenco à fond…

Place de Fuseta.

Le petit resto familial n’a pas changé, c’est toujours aussi bon, aussi copieux, pour un prix toujours aussi modique. J’ai bien fait de manger tôt, car ils ont vite dû refuser du monde. Ils doivent être victimes de leur succès. L’ambiance sur le port est toujours la même. J’adore !

Je quitte Fuseta pour regagner mon « camping-des-flots-bleus » d’Olhão. Je me dis que cette journée aura été somme toute assez calme, une sorte d’étape de transition.
J’arrive à mon camping. Il y a un fourgon allemand devant la barrière. Je me place à une distance raisonnable derrière. J’ai à peine posé les pieds à terre que le fourgon se met à reculer. Je pense qu’il m’a vu, qu’il ne va reculer doucement que sur quelques centimètres… Nein ! Il recule à fond ! je dis bien à fond ! (sur la vidéo c’est impressionnant). Je n’ai pas le temps de mettre le pouce sur le klaxon, j’attends l’impact… Il pile ! Le mec (ou la nana) à dû s’arrêter à deux ou trois centimètres de ma roue avant… Il ne s’arrêtait pas, je valdinguais sérieux et il me flinguait au mieux la jante, au pire la fourche… C’est le jeune de l’accueil qui a crié en lui faisant un grand signe… Obrigado meu amigo !

Oh, oh, oh !

Mon sauveur.

Encore sous le coup de l’émotion, je retrouve le cul du camping et mon campement. Les Gipsy Kings de la brochette sont toujours à l’œuvre… et que je te claque des mains, et que je te pousse des hurlements…
Je file me laver les dents et enfourne mes bouchons d’oreille. Nuit de Chine, nuit câline, nuit d’amour…

Jour 16 - Gromanche 24 jouillé - 330 km prévus

Je me lève tôt, si tôt que je suis le premier debout dans ce grand camping. Il est évident que mes Gipsy Kings pioncent encore… À 3h00 du mat’, à travers mes bouchons d’oreilles, je devinais encore leurs complaintes andalouses. Les salauds ! moi qui souhaitais du flamenco…
Changement de programme… Aujourd’hui, il est prévu que j’aille à l’extrémité sud-ouest du Portugal, à la pointe de Sagres. J’ai réfléchi… nous sommes un gromanche de jouillé, il va y avoir affluence… c’est un endroit que je connais déjà… la partie ouest de la côte sud de l’Algarve n’est pas la plus intéressante, car très bétonnée… une journée de repos ne me ferait pas de mal… Bref, c’est décidé, je reste dans le coin.
L’avantage de ce grand camping est qu’il y a un veilleur de nuit qui m’ouvre la barrière pour sortir. Allez, zou ! direction le centre et le port d’Olhão pour trouver un truc ouvert afin de boire un grand café, car ça fait deux jours que je n’ai plus de gaz, et Poutine n’y est pour rien… Le centre-ville est désert. Nous sommes gromanche, mais tout de même… tout est fermé. C’est en prenant une photo devant une église et sa pendule que je réalise qu’il n’est que 7h30. Merde, c’est vrai qu’entre l’Espagne et le Portugal il y a une heure de décalage. J’ai dû me lever à 6h00, heure locale. Pour un peu, mes Gipsy Kings n’étaient pas couchés… Je trouve un rade ouvert près des halles. Je suis seul en terrasse. C’est agréable, j’en profite pour me balader le long du port et faire une ou deux photos.

Heure locale.

Les halles d’Olhão, près du port.

Olhão s’éveille…

En buvant mon café, je me suis souvenu d’un très joli petit village qui surplombe la ria Formoza, près de Tavira : Cacela Velha. Allez, je vous y emmène…

Protection solaire…

L’extrémité orientale de la ria Formoza.

Je quitte ce concentré de beautés portugaises pour me rendre à Tavira. C’est en gagnant le centre-ville de Tavira, par des petites ruelles, qu’il va encore m’arriver un truc pas commun… une première pour moi… je me prends un seau de flotte sur la gueule ! un seau c’est sûr, vu la quantité… pour ce qui est de la qualité, j’espère que c’est de la flotte… Ce sera la seule averse que s’essuierai lors de ces vingt-sept jours de voyages (contrairement à mon périple en Irlande où ce fut deux jours sans pluie sur vingt-huit…). Un ennemi des motards ? Des gamins joueurs ? Des scouts ? Un Irlandais en vacances ?… Toujours est-il que les autochtones me détronchent quand je m’arrête sur la place principale pour y boire un café, je suis trempé…

Je retrouve mon camping en début d’après-midi. Dans la zone réservée aux tentes, une bonne moitié a calté… mes Gipsy Kings et d’autres groupes d’Espagnols en goguette sont sur le point d’en faire autant… Je les observe remballer les stands, car ça vaut dix… bien qu’en Quetchua, ils ont emmené leur literie… des matelas de 160 ou 180 sur la galerie, pour l’amuser sans doute… j’en vois même un avec un sommier… un autre avec deux matelas doubles sanglés, en passant par les fenêtres, directement sur le toit de la bagnole, sans galerie… Un vrai carnaval ! Sans oublier les barbecues, la sono… Maintenant ça me revient, le samedi soir, beaucoup d’Espagnols viennent faire la bambocha dans les campings de la côte d’Algarve, mais je ne me souviens plus de la raison. Économique ? La soirée et la nuit de ce gromanche devraient être plus calmes. C’est tant mieux, car demain sera une grosse journée.

 

Jour 17 - Lendi 25 jouillé - 423 km prévus

Aujourd’hui, je monte à la capitale, par les terres… Un peu plus de quatre cents bornes au programme et rien d’exceptionnel, mais on ne sait jamais…

Silves.

En remontant vers Monchique, je passe par Cigogneville que les Portugais nomment Rasmalho. Je suis scié, il y en a partout de ces volatiles, sur chaque promontoire disponible. Je gare la moto pour prendre quelques photos, sans toutefois trop m’éloigner, de peur qu’un couple en profite pour nicher sur la meule. Quel boucan font ces gros piafs ! Un vrai concert de castagnettes et de claquettes… Il vaut mieux ne pas être une grenouille dans le secteur…

Je continue ma route et quitte l’Algarve pour l’Alentejo.

Santa Clara a Velha.

Des routes bordées de chênes en short.

J’arrive à Lisbonne en traversant le Tage par le pont du 25 Avril, puis longe le fleuve de la capitale et la côte pour rejoindre mon camping de Cascais. C’est l’heure de la débauche, ça roule sévère, mais je m’en sors pas trop mal.

Pont du 25 Avril.

À gauche, le Padrão dos Descobrimentos (le monument des Découvertes).

À gauche, la Torre de Belém (la tour de Belém).

J’approche de mon camping en longeant la côte. Le vent d’Ouest souffle très fort. Au loin, quelques nuages solitaires coiffent les montagnes du parc naturel de Sintra-Cascais.

Je m’installe dans ce camping où j’ai déjà campé en 2009. Le hasard fait que je suis presque au même emplacement. Le truc est assez grand, mais tranquille et propre. Une fois la tente plantée, la bestiole douchée et ses oripeaux lessivés, je vais au bar du camping boire une tasse. Il y a une sorte de supérette où je déniche la bouteille de gaz idoine pour mon réchaud.

Il me reste deux boîtes de thon au fond d’une valise et deux bananes. Je festoie ! Ça caille… j’enfile ma polaire que je pensais ne plus devoir sortir. Le vent et la proximité de l’Atlantique font que j’ai retrouvé des températures acceptables.
Hier, je pensais qu’avec son kilométrage, cette journée allait être conséquente. Or, le type de routes, de reliefs, et les températures raisonnables sur la fin ont fait qu’elle fut plutôt tranquille. Je réalise qu’il est agréable et reposant d’avoir vécu une journée normale…

Jour 18 - Môrdi 26 jouillé - 310 km prévus

La journée commence bien, puisque j’ai maintenant une bouteille de gaz toute neuve qui va me permettre de refaire mon café. Je sors ma cafetière italienne, y mets mon café, prends mon bidon d’eau et commence à la remplir… et merde ! c’est le bidon d’huile… un caoua à la 20w50, ça ne va pas l’faire. J’ai pourtant mis des autocollants pour ne pas me gourer. Depuis quatre ans, c’est néanmoins la première fois que je me plante. Heureusement, il me reste du produit vaisselle. Je préfère ça que mettre de la flotte dans le moulin.

Je quitte mon camping sous un beau soleil, bien que, comme la veille, des nuages persistent juste au-dessus des montagnes de Sintra. Je file plein Nord en longeant la côte atlantique direction Peniche.

Tiens, un campeur portugais…

Corvoeira, un spot de surfeurs.

J’arrive à Peniche, à ne pas confondre avec Phalluche, un peu plus à l’Ouest… J’emprunte une courte piste côtière. Ensuite, je ne sais pas ce que je bricole, je reviens sur mes roues plutôt que de contourner la ville par la côte.

Comme un moulin sans ailes…

Je poursuis ma balade vers la belle ville fortifiée d’Óbidos. En 2009, j’avais visité cette ville de bonne heure, un régal. Mais là, j’y arrive en fin de matinée, et ce n’est pas la même limonade… un monde fou ! J’ai l’impression d’être à Guérande un 15 août. Je feinte en photographiant vers le haut… Néanmoins, cette ville est toujours aussi belle, avec toutes ses couleurs, en particulier celles des bougainvilliers. J’en profite pour manger une salade à la terrasse d’un petit resto.

Les azulejos du porche d’entrée de la ville fortifiée.

Plus au Nord, j’arrive à Nazaré. Normalement, pour éviter la foule, j’ai pour habitude de contourner les incontournables… J’aborde Nazaré par son remblai de bord de mer, et comme je m’y attendais, il y a beaucoup de monde. Comme si ça ne suffisait pas, je grimpe au sanctuaire de Notre-Dame de Nazaré, et là c’est blindé ! Même pas moyen de garer la meule. En plus, dorénavant ils ont foutu une barrière et restreint l’accès qui mène au point de vue sur les vagues. Je fais demi-tour. Comme disait Coluche : « Bon allez, on se casse ! T’achètes deux cartes postales : une du lever, une du coucher. Y a pas de raisons de rester que pour ça. »

C’est tenter le Diable…

Je quitte la côte pour rentrer dans les terres. Je passe devant le monastère de Batalha, un truc énorme aux allures de cathédrale, et là aussi, comme si ça ne suffisait pas, je passe à Fátima…

Monastère de Batalha.

Les cierges, ça ne pardonne pas. À quand les e-cierges ? à l’instar de la cigarette électronique.

J’arrive à mon camping de Foz de Algue. Un machin très moyen et pas spécialement donné. Il me faut deux tours de camping pour trouver un emplacement à peu près plat pour ma tente.

Jour 19 - Credi 27 jouillé - 326 km prévus

Je dois attendre 8h00 l’ouverture du portail du camping. C’est pénible… surtout que je suis dans les starting-blocks depuis une demi-heure. Aujourd’hui, je file vers le Nord-Est, encore un peu plus dans les terres. Je vais chercher de la hauteur dans la sierra Estrela. La montagne me manque déjà… Les routes et les paysages sont agréables. Je ne croise pas grand monde.

Madeirã.

Janeiro de Cima.

Il me faut de l’essence. Je m’arrête dans une station de la petite ville d’Orvalho, et sa tombe bien, il y a un bar… J’en profite pour faire ma pause café-água com gáz. C’est marrant, beaucoup de Portugais viennent me voir pour discuter. C’est sympa… Je me trouve au centre du Portugal et plus je monte vers le Nord, plus je rencontre des autochtones qui parlent le français. Ça aide… Deux hommes et une femme viennent s’installer à la table d’à côté. Nous discutons un bon moment. Ils sont curieux quant à mon voyage. Ils veulent savoir d’où je viens et où je vais. Je sors les cartes… Un des hommes parle très bien le français. Quand je lui dis que je dois camper après Manteigas, il me dit que c’est sa ville d’origine et me conseille de faire un petit détour pour me rendre au Malhão da Estrela, le point culminant du Portugal continental. C’est noté… Nous nous saluons chaleureusement et je continue mon chemin.

Orvalho, pause sans plomb, café et jactance.

Sur les lignes de crête, je suis accompagné par de nombreuses éoliennes. Les routes sont belles et les paysages tout autant.

Je quitte mon itinéraire pour prendre le détour vers le Malhão da Estrela conseillé par l’ami portugais. La montée est vraiment sympa… le revêtement correct, la circulation moindre, les paysages magnifiques…

J’en profite pour m’arrêter faire quelques photos.

La petite tache blanche bizarre au centre est un éboulement de la paroi rocheuse. Je passerai à côté plus tard.

J’arrive au Malhão da Estrela. Il n’y a vraiment pas grand monde. L’altitude de ce point culminant du Portugal continental (supplanté de 350 mètres par le Ponta do Pico aux Açores) est de 1 993 mètres. Mais le Portugais est malin et maçon… il a construit au sommet de ce mont une tour (Torre) de 7 mètres, pour arriver à l’altitude artificielle de 2 000 mètres…

À gauche, avec la croix, la Torre.

La descente du Malhão da Estrela n’est pas mal non plus…

J’en profite également pour faire quelques photos.

La descente relativement rectiligne vers Monteigas est superbe.

« Relativement rectiligne »…

Après Monteigas, je me motorise une pause café à une terrasse. Je pense être peinard… sauf qu’à peine assis, je vois débouler le pochard du bled… « senhor três gramas »… qui va me tenir la grappe (de raisin, puisqu’il s’enfile des grands godets de rouge) pendant un bon quart d’heure. Pas de pot, il parle le français… aussi bien que peuvent lui permettre ses trois grammes… Bien sûr, il a eu toutes sortes de motos, des trucs improbables, à la cylindrée siliconée… il fait un mélange dans le nom des marques et des modèles… il a fait, of course, de la compétition… et aussi appris à parler à sa grand-mère… un bon gros mytho, ferrugineuse… Je suis remonté en selle, prêt à calter, qu’il me tient encore la grappe. Quel boulet !

L’Agostini du gros-qui-tâche.

Un peu plus loin, je cherche mon camping. Nada ! J’ai dû me planter lors de ma préparation. Un camping fantôme. Ce n’est pas grave, je vois qu’il y en a un autre pas très loin, à Valhelhas. J’y arrive… Déjà, le prix est raisonnable, environ dix balles. Le truc est vachement grand, sans trop d’affluence, bien ombragé et avec emplacement libre. Tout s’annonce sous les meilleurs auspices… mais c’est en voulant prendre ma douche que je réalise qu’il s’agit plutôt d’hospices, et ceux d’Orpea en l’occurrence… Pas d’eau chaude ! Dans les cabines voisines, j’entends deux Espagnols qui gueulent aussi. Je renfile mon slip, sors de la douche et tente un début de révolte avec mes deux Ibériques… ¡ No doucharan ! L’Internationale du pommeau… mais la mayonnaise ne prend pas… On se résigne à la douche froide. Putain, ça calme… Hormis cette histoire d’eau chaude, due peut-être à un dysfonctionnement, ce camping est très agréable et calme. Il dispose également d’un bar-resto-terrasse sympa où je fais ripaille. J’y passe une bonne nuit réparatrice sans rêver de mon champion du monde catégorie 13,5 % vol.

Camping de Valhelhas.

Jour 20 - Joudi 28 jouillé - 320 km prévus

Rebelote… je suis obligé de faire le pied de grue devant la barrière jusqu’à 8h00, heure de ma libération.

Enfermé dehors…

Une fois libéré, je remonte plein Nord, vers le Douro et sa vallée.

En milieu de matinée, je m’arrête dans la ville fortifiée de Trancoso. Je viens d’arrêter la moto et d’en descendre. J’entends des bruits métalliques qui proviennent d’une boutique à quelques mètres. Une personne, à l’intérieur de la boutique, se bat avec le rideau de fer qui est resté coincé à mi-chemin. Ma bonté d’âme fait que je vais l’aider. Le commerçant est un vieil homme d’au moins quatre-vingts ans qui tente de forcer sur le rideau en le soulevant… De l’extérieur, j’essaie également de soulever le bouzin… il est bien coincé son truc. Je fais marcher mes neurones, me place sous le rideau en position d’épaulé-jeté et jette un grand coup. Crac ! le rideau s’est débloqué, mais en faisant un bruit inquiétant… en le relâchant, il descend jusqu’en bas sans s’arrêter à mi-hauteur. Merde, j’espère ne pas lui avoir pété le mécanisme. J’entends le vieux à l’intérieur, de l’autre côté du rideau, qui râle des trucs en portugais… Je me vois déjà calter en loucedé et laisser l’ancêtre à ses déboires.
Soudain, le rideau se relève doucement, sans à-coups, jusqu’en haut, laissant apparaître un vieux avec une télécommande à la main et un grand sourire aux lèvres, on se croirait au théâtre… Tu m’étonnes qu’il est hilare pépère… sans intervention extérieure, sa journée était morte, il ne pouvait ouvrir son bouclard… et son bouclard, je réalise que c’est une horlogerie-bijouterie… Je réalise également un autre truc… j’ai toujours sur la tête mon casque noir, mes lunettes de soleil, mes gants, mon gilet airbag noir… et il y a encore quelques secondes, je forçais de l’extérieur le rideau de fer d’une bijouterie… Heureusement que la guardia nacional republicana (GNR) n’est pas passée à ce moment… j’étais bon pour une interpellation en règle. Comme un môme, l’ancien s’amuse avec sa télécommande à descendre et monter son rideau. Tout semble fonctionner à merveille. Il me remercie encore chaleureusement.
En regardant les tocantes qu’il a en vitrine, je pense à la pile de la mienne qui a rendu l’âme en début de voyage. Par gestes, je lui demande s’il peut me la changer. Il prend ma montre et part dans son arrière-boutique. Je l’entends qui radote des trucs tout seul. Après un bon quart d’heure, il n’est toujours pas réapparu… Qu’est-ce qu’il bricole ? Je me dis m’être encore foutu dans un plan foireux… Après avoir consulté mon traducteur en ligne, je lui crie, de la boutique, des « isso não importa ! » (ce n’est pas grave !) et quelques « basta ! » hasardeux. Ce n’est qu’au bout d’une demi-heure que mon horloger réapparaît souriant avec ma montre réglée à l’heure portugaise et fonctionnelle. Il refuse catégoriquement que je le règle. Échange international de bons procédés…

Avant l’intervention…

Après l’intervention…

Juste avant la vallée du Douro, je m’arrête prendre quelques photos dans le village de Távora qui surplombe la rivière du même nom. Les paysages sont magnifiques et typiques de cette région du Douro.

Távora.

J’arrive sur le bord du Douro. J’ai longé ce fleuve en 2009 et je garde un très bon souvenir de ces paysages constitués essentiellement de vignes en terrasse. Je prends la direction de l’Ouest, vers Porto. À cet endroit, le Douro est déjà large, pas très encaissé… Je n’ai pas dû le rejoindre assez en amont. Les paysages et la route ne sont pas comme dans mes souvenirs. Je suis assez déçu.

Bord du Douro.

Le contournement de Porto est assez pénible et sans grand intérêt. Je rejoins mon camping, au nord de Porto. Un truc assez moyen…

Une journée plutôt passable… Une journée « peut faire mieux »…

 

Jour 21 - Dredi 29 jouillé - 306 km prévus

C’était ma dernière nuit portugaise. Aujourd’hui, je repasse en Espagne par la Galice. Ce camping, près de Trofa, était assez moyen pour ce qui est des emplacements pour les tentes. Il m’a d’abord fallu du temps pour trouver une zone plane, puis faire le ménage parmi les cailloux et les branches mortes. Cependant, il était très calme et peu onéreux. À l’accueil, il y avait un petit bar de fortune avec une terrasse où j’ai bavardé un bon moment avec les propriétaires, la mère et la fille.

Tout est remballé, il n’y a plus qu’à reprendre la route.

Barrière ouverte et salut chaleureux… Adeus !

J’arrive à Braga qui est le troisième plus grand centre urbain du Portugal, après Lisbonne et Porto. Sa traversée est pénible. C’est l’heure de l’embauche et il y a des travaux. Malgré mes valises, je m’autorise des remontées de file « à la française »… Pas mécontent d’être sorti de ce merdier, je rejoins plus au Nord le fleuve frontalier Minho que je longe sur quelques kilomètres et traverse pour retrouver l’Espagne.

Cette région de Galice est une découverte pour moi. J’avais failli m’y rendre il y a une trentaine d’années, mais avais rebroussé chemin dans les Asturies suite à une semaine de flotte ininterrompue. C’est marrant, la frontière passée, de nombreux nuages se dessinent dans le ciel. Il faut dire que je me retrouve en pays celte… le granit et les croix font également leur apparition.

Ker Galicia…

Je remonte vers le Nord, à l’ouest de Vigo, dans la sierra del Suido. Les petites routes semi-montagneuses et forestières m’enchantent, les paysages sont magnifiques.

La présence de quelques bouses trahit la présence éventuelle de bestiaux sur la route.

Je retrouve un moment la mer à Pontevedra, puis continue par les terres vers Padrón.

Padrón.

C’est à Noia, sur les bords d’une ria que je fais une pause pour faire le point quant au camping que j’ai prévu. Décidément, en consultant de nouveau Park4night et Google Maps sur mon téléphone, je ne le sens pas… je doute même de l’existence du truc. Finalement, je décide de longer la côte jusqu’à Cee, puis jusqu’au cap Finisterre que j’avais prévu de faire demain matin, et enfin de camper après Muxia.
Dès les premiers kilomètres, je ne suis pas déçu… la route côtière est magnifique. Les lumières donnent aux paysages des couleurs exceptionnelles. Je suis très vite conquis par cette région d’où émanent des parfums de Bretagne et d’Irlande.

À Cee, arrêté à un feu, je vois dans mes rétros arriver un groupe de cinq motards. L’un d’eux, en Husqvarna 701, vient à mon niveau et me fait un grand sourire à travers son casque. Putain ! pendant une demi-seconde, j’ai cru que c’était un pote Toulouse. Un peu la même tronche dans le casque, la même stature, le même sourire… Je réalise que temporellement ce n’est pas possible, que mon pote n’est toujours pas rentré de son périple au Pakistan.
J’arrive au cap Finisterre. Il y a un peu de monde, mais ça reste raisonnable. Le panorama est remarquable. Je suis vite rejoint sur le parking par mes cinq enduristes espagnols. Ils veulent prendre une photo et m’invitent à boire un coup. Des mecs sympa… Des Galiciens en goguette pour une semaine d’enduro. Ils me disent que c’est leur première belle journée et qu’ils ont pris pas mal de flotte. J’ai un peu de mal à les croire…

Cherchez l’intruse…

Au centre, mon mirage pakistano-galicien…

Dans cet autre Finistère, aux longues plages de silence…

Au moment de remonter en selle, je constate quelques gouttes d’huile sous mon cylindre gauche. Merde… ça fuit au niveau de mon bouchon de remplissage. Par acquit de conscience, je vérifie mon niveau d’huile un peu plus loin, dès que je trouve une surface plane. Tout est normal. À surveiller…

J’arrive à mon camping et me rends à l’accueil. Il ne reste, a priori, pas beaucoup de place. Le propriétaire m’indique un emplacement libre proche de l’entrée. Comme le camping me semble assez pentu, je lui demande si c’est accessible en moto. Il me suggère de le suivre à pied. C’est ce que je pensais, l’accès à l’emplacement est assez acrobatique. Allez, on n’est pas des bikers… je retourne chercher la moto. Mais avant, il faut que je la redresse… je me suis garé en dévers, et ma patte gauche est trop courte en fin de course… Un Français, après s’être délecté du comique de la situation à la terrasse du bar, vient à mon aide. Je grimpe jusqu’à mon emplacement sans encombre.
Plantage de tente, douche, lessive… je n’ai plus aucune victuaille dans les valises. Ce soir, ce sera donc le resto du camping. Au bar de celui-ci, je demande à la serveuse si je peux « comer » à partir de la « ocho ». Elle semble dubitative. Tu m’étonnes… en la voyant regarder la pendule, je me rends compte qu’il est déjà 20h40… je suis resté à l’heure portugaise. C’est un peu compliqué pour choisir mon repas. La serveuse ne comprend pas le pauvre anglais que je lui sers et je ne pige rien à l’espagnol de leur menu. C’est le propriétaire du camping qui boit un coup au bar et maîtrise un peu le français qui va me sauver la mise. Je lui explique ne manger ni poisson, ni de poulet, mais que je ne suis pas végétarien et vouloir un truc assez consistant, car je n’ai pas mangé ce midi. Il traduit le truc à la serveuse et, un quart d’heure plus tard, je me retrouve avec une omelette géante. Le genre de truc qui pourrait figurer dans le Guinness Book… qui doit requérir tout un poulailler… et pas dégueu de surcroît.
Je regagne ma tente totalement repu. Le camping est en terrasses et la vue est aussi bonne que l’omelette.

En face, Camariñas.

Ceci n’est pas une pub Décathlon…

Jour 22 - Sadi 30 jouillé - 335 km prévus

Des 335 kilomètres prévus, je peux en soustraire une petite centaine, du début de l’itinéraire, que j’ai faite hier. En revanche, je vais pouvoir en rajouter une bonne cinquantaine en fin de parcours. Encore une fois, je décide de changer de camping. Celui de Viveiro que j’ai prévu, après consultation du Net hier soir, ne me dit finalement rien qui vaille. Il se trouve en pleine ville et les avis sont très moyens. Je vais continuer jusqu’à Foz où je devrais en trouver un autre.
Ce matin, en buvant mon café et en remballant mes affaires, j’ai longuement discuté avec mon voisin. Un Belge, en couple, qui a terminé le pèlerinage de Compostelle. Avec sa femme, ils prennent aujourd’hui l’avion pour rentrer au Belgistan. Ils ont fait le truc à pince avec des étapes réparties en trois ou quatre épisodes. Trois mille bornes au total… Il me dit avoir été marqué par la désertification des campagnes, surtout en France… être resté plusieurs jours sans trouver un commerce, un café, un resto… Je lui confirme que moi aussi, en moto par les petites routes, je suis toujours impressionné par cette désertification de nos campagnes françaises.

C’est parti ! je descends de mon emplacement, là aussi sans encombre… Je file vers La Corogne. Après quelques kilomètres, en roulant, je regarde mon bouchon de remplissage d’huile. Le suintement est carrément devenu fuite… ça dégueule un peu entre les ailettes du couvre-culasse et, avec l’air, commence à m’huiler la botte gauche et le bas du froc. À surveiller…
Je contourne La Corogne et me dirige vers Ferrol. À Oleiros, je passe au rond-point du Che… Peut-être un lien historique avec cette ville ? Il me faudra penser à me documenter en rentrant. J’arrive à Ferrol et traverse la ria du même nom. Je longe d’impressionnantes infrastructures portuaires.

Aquí se queda la clara
La entrañable transparencia
De tu querida presencia
Comandante Che Guevara

Ria de Ferrol.

Après Ferrol.

Plus loin, au niveau d’Espasante, je dévie légèrement de mon itinéraire pour prendre la direction du port, car un panneau m’indique « Mirador de Garita de Vela ». Le village traversé, je me retrouve au pied d’un petit tertre du haut duquel le panorama à 360 degrés est magnifique.

Mirador de Garita de Vela, O Porto de Espasante.

Je reprends mon chemin. Je longe des criques, des baies et des rias splendides. Les couleurs sont exceptionnelles. Malheureusement, il m’est souvent difficile de m’arrêter prendre des photos. Vers Porto do Barqueiro je craque… je m’arrête en bord de route…

La Galice, un délice !

Porto do Barqueiro.

Je continue et craque de nouveau…

Vicedo.

Je traverse Viveiro, la ville où j’avais prévu de camper. Je passe devant le camping et, vu l’emplacement, ne regrette pas mon changement de programme. Cette ville accueille un gros festival de metal tous les ans. Cette année ce fut en fin juin et début juillet. Je suis passé entre les gouttes.

Viveiro.

La route continue le long de cette très belle côte…

C’est encore une pancarte qui me fait dévier de mon itinéraire, elle indique « Porto de Morás ». Comme j’aime les ports, j’y vais… Des panneaux d’interdiction et de cul-de-sac font que je m’arrête devant une petite plage aux couleurs remarquables. Au fond du port j’aperçois une usine et un cargo. J’apprendrai plus tard qu’il s’agit d’une importante usine d’aluminium.

La curiosité m’amène à faire fi des panneaux qui m’ont arrêté et m’engage dans le cul-de-sac. Je me retrouve bientôt sur une route bordée d’un nombre considérable d’énormes brise-lames en béton. C’est impressionnant… Ils doivent être là pour protéger le port, dans sa partie nord, de la violence des éléments lors des tempêtes. Ça doit brasser velu… La présence de l’usine d’aluminium ne doit pas être pour rien dans un tel investissement.
A posteriori, j’apprendrai que ces brise-lames sont appelés dolos, qu’ils pèsent chacun cinquante tonnes et qu’il en a fallu dix-huit mille pour ce port construit spécialement pour l’usine d’aluminium. Usine détenue par la multinationale Alcoa qui a fait les gros titres en Espagne et en Europe ces dernières années pour de mauvaises raisons (fermetures d’usines après avoir bénéficié d’aides de l’État, pollution, optimisation fiscale…). Alcoa a d’ailleurs déjà fermé deux autres de ses sites dans la région et le futur de celui-ci est très incertain, mettant en péril des centaines d’emplois.

« Dolos Carretera ».

Photo issue du Net.

Je continue en direction de Foz et trouve un camping juste avant cette ville. Le camping San Rafael. À l’accueil, je tombe sur une ancienne pas très aimable. Je comprends qu’elle est partie chercher son fils, et niveau amabilité c’est pire… Un « ours » ! Pas un mot ni un sourire de trop… même pas un sourire d’ailleurs…
Plantage de tente, douche et lessive…

Elle fait même tancarville… un vrai couteau suisse cette meule.

Un petit tour derrière mon camping avant de regagner mon duvet.

Jour 23 - Gromanche 31 jouillé - 324 km prévus

C’est avec un ciel nuageux que je me réveille. Hier soir, j’ai consulté la météo sur mon site habituel et ça devrait se lever rapidement. Il est tôt, mais de mon emplacement je constate que la barrière du camping est ouverte. « L’ours de Galice » est à l’accueil, sur le pas de la porte. Avant que je ne passe devant lui en quittant le camping, il rentre dans sa tanière sans me saluer. S’est-il léché du pied gauche ?

Je longe la côte, toujours sous une bonne couverture nuageuse. Le paysage a changé, la route est au niveau de la mer, la côte moins découpée… elle a perdu de sa beauté. À Ribadeo, je traverse la ria et quitte la Galice pour les Asturies.

Une vingtaine de kilomètres plus loin, je quitte la côte à Navia pour longer le fleuve du même nom et ainsi rentrer dans les terres et les montagnes. Les nuages disparaissent peu à peu et la route devient sinueuse.

Peirones.

Illano.

Je fais une pause café à Grandas de Salime, une des étapes del Camino de Santiago.

Grandas de Salime.

Me vient une interrogation : la pèlerine compose-t-elle ?

Si j’en doutais encore…

Je franchis le Navia et file plein Est. À Palo de Allande, j’entame la montée du Puerto del Palo. Rien d’alpestre, je suis sous les mille mètres… Néanmoins, le paysage et la végétation changent.

C’est pas la peine de t’cacher… T’es repérée ! trahie par tes bouses…

Au Mirador del Montefurado je m’arrête prendre quelques photos.

Mirador del Montefurado.

J’arrive au col du Palo. Bien qu’à seulement 1 146 m, je pourrais me croire dans les Pyrénées.

Si elles attendent le train, ça va être long…

Ça va être long les filles… Moi, j’dis ça, j’dis rien…

Eux, ils attendent que leur cavalier finisse son pique-nique.

Lui, je l’ai à l’œil… surtout que j’ai l’impression de déranger et qu’il m’a l’air possessif.

Des randonneurs me proposent une photo.

L’autre profite que j’ai le dos tourné…

Je continue vers le Sud-Est. Je regarde souvent mon bouchon de remplissage d’huile. La fuite est conséquente. Il ne faut pas que je dépasse les 3 000 tours/mn, au risque de voir carrément l’huile sortir du bouchon. Ce soir, je me penche sur le problème… en attendant, en sixième, je ne peux pas dépasser les 80 km/h.
Je quitte les Asturies pour la Castille-et-León. Soudain, le paysage change du tout au tout. Je me retrouve sur de longues lignes droites avec les montagnes en fond. Un faux air d’Ouest américain. À 80 km/h ça reste agréable…

Mon entrée en Castille-et-León.

Un champ de cigognes.

C’est dans ces paysages aux allures de Far West, sans les cigognes, que j’arrive à mon camping de Sena de Luna. Une cabane de chantier fait office d’accueil. J’attends que le proprio qui est au téléphone en ait fini. Il raccroche, mais me fais patienter encore une bonne dizaine de minutes sous le cagnard… Pas de bonjour… juste un signe du menton… putain, comparé à cet engin, mon « ours de Galice » de la veille serait passé pour un boute-en-train… Il me fait signe de le suivre et m’indique, du doigt et d’un grognement, un bout de champ où planter ma tente. Vu le décor à la Zorro, je me demande si ce ne serait pas le Bernardo local, en moins souriant… Soit le mec est sourd et muet, soit c’est un con… Je lui demande à quelle heure ouvre le portail demain matin, car je partirai tôt. Il me fait comprendre que le portail n’est pas verrouillé, mais que je devrai pousser la moto jusqu’à celui-ci pour ne pas faire de bruit. T’as raison Léon !… C’est clair, le mec ne souffre ni de surdité ni de mutisme, c’est tout bonnement un con !
Plantage de tente, douche et lessive…

Vue de ma tente.

e sors le PQ pour essuyer l’huile sur ma botte gauche et le bas de mon froc. Je nettoie également le plus gros sur tout le côté arrière gauche de la meule. Il y a de l’huile partout… jusqu’à la sacoche qui se trouve sur la valise. Je m’attaque ensuite à mon bouchon d’huile… plus par curiosité quant à l’état du joint torique que dans l’espoir d’une éventuelle réparation. J’ai déjà changé le support et le joint sur ma 1100R, et ce sont les mêmes. Ça commence mal… je fais levier avec un tournevis, il ripe et dégomme le capuchon chromé du bouchon. Et merde… J’enlève le support sur lequel se trouve le joint. Il n’a pourtant pas mauvaise mine et est bien placé dans sa gorge. Je ne peux pas faire grande chose et remets le support. Je fais gaffe en le rentrant en force… pas assez gaffe… je pète le petit ergot qui empêche que le support ne tourne sur le couvre-culasse quand on tourne le bouchon. Remerde… Maintenant, si je veux remettre de l’huile, je vais devoir retirer support et bouchon. Il me reste environ deux mille bornes et je vais essayer de faire avec. Néanmoins, je vais devoir bien surveiller mon niveau d’huile.

Je pars faire une petite balade à pied près de la rivière qui passe près du camping. Un joli petit coin.

Le soleil commence à se coucher, moi aussi…

Jour 24 - Lendi 1er oût - 420 km prévus

Je décolle de bonne heure. Je repense à l’autre comique qui veut que je pousse mon bouzin de 340 kg sur 200 m… Il se croit dans une compète de force basque ? L’envie de mettre les gaz me démange, mais les autres campeurs n’y sont pour rien… J’ouvre le portail et laisse Léon à sa Castille et à sa connerie. Direction los Picos de Europa !
Les routes sont belles et le temps magnifique. Je me fais doubler par cinq motards français qui doivent se rendre également dans les Picos. Tu m’étonnes, avec ma fuite d’huile je me traîne toujours à 80 km/h… Pour l’instant, sur ces belles petites routes, ça ne me dérange pas trop, mais c’est pénible quand j’ai besoin de doubler, et je sais que cette limitation forcée va vite me gonfler.

Dans un village, je retrouve mes cinq motards français. Trois des lascars poussent une des meules. Je m’arrête près du cinquième qui ne fait rien pour lui proposer mon booster. Il me répond que ce n’est pas la peine, qu’il y a déjà trois boosters humains et que ça ne peut que leur faire perdre du gras… je confirme, mais pas trop fort… la meule démarre, les boostmen sont en sueur. On se salue et je continue mon chemin.

J’arrive aux abords du parque nacional de los Picos de Europa. Deux choix s’offrent à moi. Soit j’en fait le tour par la route, soit je le contourne par l’Ouest et par la route jusqu’à Sotres, puis le traverse du Nord au Sud jusqu’à Fuente Dé par une piste. Je choisis la route, dans le sens antihoraire.

Portilla de la Reina.

Llánaves de la Reina.

Llánaves de la Reina

Je change de région. Le parc national des Pics d’Europe se trouve sur trois régions différentes : Les Asturies, la Castille-et-León et la Cantabrie.

Je m’arrête au puerto de San Glorio pour faire quelques photos, sous l’œil étonné d’un cervidé.

Je continue ma route dans une succession de gorges. Je m’arrête à Potes faire quelques courses. C’est une belle petite ville, mais il y a du monde.
Je reprends mon contournement antihoraire du parc national. Les paysages sont vraiment superbes et variés, d’autant que la météo est idéale et que tous les sommets sont dégagés. Je regrette déjà de n’y passer qu’une journée. Je reviendrai, plus fort… notamment pour la piste que j’ai sacrifiée. Bien qu’en semaine, je croise beaucoup de motos. Beaucoup plus que depuis le début de mon voyage.

Los Picos.

Mon contournement terminé, je retrouve la N-621 au sud du parc national. Je fais de nouveau la même vingtaine de kilomètres jusqu’à Potes, mais c’est le genre de route dont on ne se lasse pas.
À Potes, je prends la direction de Fuente Dé. Cette route monte pendant une quinzaine de bornes jusqu’au pied des Picos où je dois rejoindre mon camping. Arrivé sur place, je me retrouve devant un chemin de cailloux qui grimpe dans les bois… C’est un camping pour randonneurs ? Je ne le sens pas… je redescends vers Potes où je suis passé devant un autre camping.
Celui-ci est accessible, mais rempli à ras bord. Les uns sur les autres… Pourtant, à l’accueil, ils me font payer et m’indiquent une place tout au fond du bouzin. Il n’y en a plus qu’une, à côté d’un couple de motards portugais. D’ailleurs, le mec est obligé de pousser sa meule pour que je puisse planter ma guitoune… Disculpe… Obrigado ! Ça y est, ma tente plantée, leur camping est complet. D’un côté c’est plutôt sympa, j’ai une belle petite rivière, mais de l’autre, à trois mètres à peine, juste derrière la haie, j’ai la route… Je me dis que ce n’est que pour une nuit et de toute façon j’en ai plein les bottes…
Ces Picos de Europa auront été une très belle découverte. Boa noite les voisins !

Le bon côté des choses…

Jour 25 - Mardi 2 août - 370 km prévus

Finalement, malgré la proximité de la route, la nuit ne fut pas trop mauvaise. Le trafic a cessé assez tôt. Le caractère sans issue de cette route de montagne explique sans doute cela.
Je quitte les Picos de Europa par sa partie est. Je reprends la même route qu’hier sur une trentaine de kilomètres pour rejoindre la côte. Le ciel est voilé, mais ça se lève rapidement.

San Vincente de la Barquera.

San Vincente de la Barquera.

Arrivé à Comillas, je croise un ange… je m’arrête. Il s’agit d’un cimetière gothique installé dans les ruines d’une ancienne église.

Cimetière gothique de Comillas.

Une vingtaine de bornes plus loin, je rejoins l’autoroute. C’est le seul moment de mon voyage où j’ai prévu d’emprunter ce type de routes. D’une part parce qu’il n’y a pas vraiment de nationales côtières à cet endroit et d’autre part pour éviter Santander et Bilbao. Grave erreur ! car je n’avais pas prévu ma fuite d’huile qui me contraint à ne pas dépasser les 3 000 tours/mn et, par conséquent, les 80 km/h… et à ce train de sénateur c’est long… je roule avec les feux de détresse, car ça arrive vite dans mon dos. Je me fais doubler par des camions-citernes et des caravanes… même par des Harley… Je devrais sortir de l’autoroute. Je ne me souviens plus combien j’en ai prévu, et ça fait bientôt cent bornes que ça dure.

Il y a pire comme autoroute…

Soudain, un peu avant Bibao, je tombe sur un truc inouï… L’autoroute, à cet endroit, est composée de quatre voies, deux allant tout droit et deux partant vers la droite. Allant tout droit, je me trouve sur la troisième voie et remarque des véhicules freiner et faire des écarts. Tu m’étonnes… un mec en VTT roule entre la deuxième et la troisième voie ! en plein milieu du bouzin et du trafic ! Ça descend, il pédale à fond, mais ne dépasse pas les 60 km/h, je pense… et plus loin ça remonte… Ça va lui coller au Basque… Je ne sais si c’est ce cycliste suicidaire qui me fait rater la sortie, toujours est-il qu’à la suivante, je me retrouve dans Bilbao et sa banlieue… Un vrai merdier… je « bilbaote » dans tous les sens, moi qui voulais éviter ça…

De boulevards en ruelles, j’arrive devant une bizarrerie… Un stop ! jusqu’à là tout est normal, sauf qu’en face, de l’autre côté de la rue, il y a une barrière fermée avec un feu rouge allumé, puis plus rien… le fleuve et c’est tout… à ma gauche une rue piétonne et à ma droite également. En levant la tête je vois bien un pont à la Eiffel, mais il est à plusieurs dizaines de mètres de haut… C’est quoi ce binz ? Une caméra cachée ? En fait, je réalise que de l’autre côté du fleuve il y a une sorte de nacelle, suspendue au pont, qui fait la navette d’une rive à l’autre. Un pont Transbordeur.

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Photo issue du Net.

La traversée m’aura coûté 1,5 €.

A posteriori, j’apprends qu’il s’agit du pont de Biscaye. Le plus grand pont transbordeur au monde qui relie les villes de Portugalete et Getxo, situées de part et d’autre du fleuve Nevrion, à l’entrée du port de Bilbao. Inauguré en 1893, ce système de pont permet l’entrée et la sortie des bateaux du port de Bilbao. Les piétons peuvent accéder à la passerelle par des ascenseurs. Ce pont est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2006.

Une fois transbordé, je continue ma petite bonne femme de route (c’est une obligation de parité avec le petit bonhomme de chemin…) le long de la côte.

Bermeo.

Bermeo.

Zarautz.

À Orio, je rentre un peu dans les terres pour rejoindre mon camping. Merde… c’est complet ! Je tente une négociation, sans succès. Il y en a bien d’autres sur le bord de mer, mais je me dis que ça ne peut être que pire… Dans la base de données de mon GPS j’en choisis un pas trop près de la côte. C’est parti ! Mon GPS m’envoie sur une petite route à une place, en corniche, c’est superbe ! mais mon instinct e dit que ce n’est pas gagné pour mon camping. Et bingo ! la route est en cul-de-sac et je me retrouve dans une cour de ferme. Je discute un peu avec le fermier qui se trouve là. Il me fait comprendre qu’il n’y a jamais eu de camping à cet endroit.

La superbe corniche en cul-de-sac aboutissant à mon camping fantôme.

Comme je n’ai pas envie de rebrousser chemin pour aller voir dans les trois campings de bord de mer restants, je consulte mon itinéraire du lendemain. Le prochain camping que je peux trouver sur cet itinéraire est à plus de soixante-dix bornes. Je me tâte… OK, c’est parti ! Par contre, je décide de prendre la nationale qui longe la côte puis de rentrer dans les terres plutôt que de prendre les routes de montagne que j’avais prévues pour le début d’itinéraire de demain.
Bientôt, je suis étonné de me retrouver qu’à un kilomètre de la frontière française, au niveau d’Irun. Je fais durer ce voyage ibérique en longeant la frontière plein Sud, dans les terres.

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J’arrive dans le petit village basque de Sunbilla où je rejoins le camping. Il ne reste que deux ou trois places. Plantage de tente, douche et lessive…

Cette dernière journée espagnole aura été quelquefois pénible, mais m’aura néanmoins offert de beaux paysages et des choses surprenantes.

Jour 26 - Credi 3 août - 400 km prévus

Je décolle de bonne heure. Je me trouve à une trentaine de bornes de la frontière et j’effectue ces derniers kilomètres espagnols sous un beau soleil. Ce matin, l’Ibère est basque…

Je retrouve la France au col d’Ispéguy, à 672 m, puis descends vers Saint-Étienne-de-Baïgorry.

Retour en France !

Si je fais ce détour pyrénéen, c’est spécialement pour effectuer de nouveau la boucle Saint-Jean-Pied-de-Port, Estérençuby, Iraty, Mendive… que j’avais faite l’an dernier dans les nuages. Une grosse frustration. C’est également au plateau d’Iraty que j’avais rencontré mes infortunés compères d’aventure qui devaient faire le voyage avec moi cette année.
Saint-Jean-Pied-de-Port et Estérençuby passés, je prends la direction d’Iraty. C’est là que ça commence à grimper. Dans mon souvenir, il y a au début de cette montée quelques épingles assez acrobatiques. Mon souvenir est bon… d’autant que dans l’une des premières, surgit un indigène en 4×4 qui coupe littéralement l’épingle, et en plus se permet de gueuler… C’était chaud ! J’appréhende les suivantes avec précaution, car, de surcroît, la végétation et le dénivelé me les font prendre en aveugle.

Ça grimpe et ça tourne…

Plus je prends de l’altitude, plus les paysages deviennent grandioses et magnifiques.

Les moutons semblent me montrer le chemin…

Je ne peux résister… je m’arrête prendre quelques photos. C’est sublime ! Peut-être les plus beaux paysages de ce voyage.

Je continue mon ascension. Malgré le brouillard lors de mon passage de l’an dernier, je reconnais quelques endroits. En particulier celui où deux camionnettes blanches sortant de la purée de pois m’avaient croisé sans se serrer, m’obligeant à rouler dans l’herbe humide. Ce n’est qu’aujourd’hui, par beau temps, que je réalise la profondeur des « fossés ». Même maintenant, je fais gaffe, j’ai déjà croisé trois autochtones qui roulaient comme des abrutis et deux touristes qui circulaient au milieu de la route, de peur de se rapprocher du vide. D’ailleurs, dans la descente, je vais tomber sur deux touristes qui viennent de s’accrocher en pleine zone dégagée.

L’endroit où j’ai croisé, l’année dernière, deux camionnettes assassines…

Je bascule dans la descente, c’est tout aussi beau. À un moment, je croise trois motards dont je vois le dernier au loin, en Street Triple, se fâcher avec l’épingle et faire un tout droit. Pas de mal… juste la roue avant dans le bas-côté extérieur, et comme spectateurs, il n’y a que moi et quelques vaches. En le croisant, je ne manque pas de lui faire un « Triumph »… Il ne sait pas que, pour lui, les épingles les plus sérieuses sont à venir.

Au loin, le motard « triumphant »…

J’arrive sur le plateau d’Iraty. Quel joli coin ! Je me gare au même endroit que l’année dernière et j’ai une pensée pour mes collègues absents, puisque c’est de cet emplacement que je les avais vus débouler il y a un an.

Jouillé 2022.

Jouillé 2021, la boucle est bouclée…

Je regagne Saint-Jean-Pied-de-Port.

Slalom bovin.

Je m’arrête à Hasparren pour une pause café et limonade… Il fait chaud, bien chaud, très chaud. Depuis quelques jours, je m’étais habitué à des températures acceptables. J’en profite pour téléphoner dans ma famille, près du bassin d’Arcachon, où je dois me rendre ce soir. Mon oncle me dit que chez eux c’est encore la canicule.

Je quitte le Pays basque et traverse les Landes, toujours à un train de sénateur, fuite d’huile oblige. J’arrive dans la famille à Gujan-Mestras. L’accueil est toujours aussi chaleureux, la température aussi, à tel point qu’il était grand temps de sortir le morceau d’ossau-iraty de la valise…
Je demande à mon oncle s’il a un rouleau de téflon. Sa réponse étant positive, je démonte mon support de bouchon de remplissage d’huile et entoure le joint torique de quelques tours de téflon. Je remets le truc en place et l’avenir nous dira… En attendant, j’ai bien pourri le carrelage du garage avec mon huile.
Hormis le fait d’être reçu comme un prince, cette étape aquitaine me permet de retrouver une partie de ma famille que je ne vois pas assez souvent. En plus, ma tante m’a fait des côtelettes d’agneau… Je me goinfre et me régale. Le vrai plumard est appréciable aussi. Presque un mois que je n’y avais pas goûté.

Jour 27 - Joudi 4 août - 410 km prévus

Allez ! dernier jour avant fermeture, tout doit disparaître…
Ce matin, j’ai tendance à traîner pour pouvoir profiter un peu plus de ma famille. Ce soir je n’ai pas de camping à trouver ni de tente à planter.
En parlant de tante, j’en ai une autre à aller voir au Verdon-sur-Mer, à la pointe de Grave, à l’embouchure de la Gironde. J’ai donc une bonne excuse pour faire un tour de bateau afin de traverser l’estuaire.
Dès les premiers kilomètres, je regarde mon bouchon d’huile. Ça semble ne plus fuir. Je tire les rapports jusqu’à 6 000 tours/mn et toujours pas de fuite. Yes ! Ne nous enflammons pas, pensons aux radars… Je m’arrête chez ma tante boire un café, puis rejoins le bac. Je viens juste d’en rater un, il va falloir attendre un peu. Dans la file d’attente, à côté, il y a deux familles d’Allemands, avec grosses Audi et musique techno à donf’… des beaufs de bords de mer ! C’est entre autres pour éviter ce genre de guignols que je privilégie la montagne l’été. Le voyage est fini… c’est déjà le dur retour à la réalité. J’embarque et c’est parti pour une petite demi-heure de traversée.

Je sors de Royan et longe la côte par une jolie route forestière.

J’arrive à Marennes, puis traverse la citadelle de Brouage.

Marennes.

Les marais de Brouage.

Brouage.

Brouage.

Je franchis la Charente juste avant Rochefort.

À droite, un autre pont transbordeur.

La Charente-Maritime dernière moi, je traverse la Vendée et arrive enfin en Loire-Atlantique, après quelque neuf mille cinq cents kilomètres et vingt-sept jours…

De Nantes à Montaigu… la digue, la digue…

La Loire, Nantes, le pont de Cheviré… Ça sent l’écurie.

Ça y est… me voilà devant le box. J’y range mon destrier et le félicite par deux bonnes tapes sur la valoche. On attendra demain pour son avoine…

Une bonne douche, pas de plantage de tente ni de lessive.

Je me couche heureux… heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage…

2 réflexions sur “L’Ibère fut rude : road trip à moto en Espagne et au Portugal”

  1. Bonjour,
    je viens de lire tes 2 road-trips.
    ça fait bien envie …
    merci pour le partage, ça donne des idées pour l’été prochain.
    Petite question : quel GPS utilises-tu ? ou bien une application smartphone ? Je recherche la bonne solution pour préparer les itinéraires et pourvoir partager les traces avec un fichier gpx
    Merci pour ta réponse.
    Emmanuel (Tiger 1200 Explorer)

    1. Salut Emmanuel,
      Excuse-moi, je n’avais pas vu ton message. Merci de l’intérêt que tu as porté à mes récits.
      J’utilise un Garmin Zumo 340 et un 390 en secours. Ce sont des GPS que j’ai achetés d’occasion, ils datent un peu mais ça me convient. Je trace mes itinéraires quelques mois avant à l’aide du logiciel BaseCamp (logiciel Garmin gratuit). L’avantage est que tu exportes d’un environnement Garmin vers un matériel Garmin, ce qui minimise les surprises, à condition d’avoir des versions de carto identiques sur le logiciel et le matériel. J’utilise principalement des cartos gratuites OSM freizeitkarte. Depuis cette année seulement j’ai un portable avec des données internet… j’ai commencé à me pencher sur l’appli Osmand qui semble vraiment bien. J’ai un pote, grand voyageur à moto à travers le monde qui n’utilise que cette appli.
      Par contre, pour tous mes voyages j’emporte également des cartes papier.
      Bonne préparation et bons voyages !
      Gilles

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